Voir à travers les flammes
Dans les études sur les comportement des constructions lors des incendies, il est important de pouvoir observer les structures dont on étudie la résistance au feu. Deux scientifiques, l’un de Berkshire Hathaway Specialty Insurance, Boston, l’autre du NIST (National Institute of Standards and Technology), Gaitthersburg, USA, proposent une méthode simple pour augmenter la visibilité à travers des flammes dues à une combustion propre. Elle associe un éclairage dans le bleu à des filtres optiques accordés de spectre étroit. Ceci suffit à réduire l’effet de l’émission lumineuse dans le jaune d’une importante flamme de gaz naturel.
L’essai au feu des structures métalliques
La figure 1 ci-dessous montre un essai de flamme sur un élément de structure métallique.
Ces tests sont absolument nécessaires car nombre de structures d’immeubles ou de ponts ont beaucoup de composants en interaction dont d’éventuels défauts ne sont découverts qu’après de telles expériences. Une observation en temps réel s’impose pour comprendre le déroulé et la durée d’une déformation ou d’une rupture. Historiquement, les expérimentateurs examinaient les pièces avant et après l’épreuve du feu. Des techniques comme la corrélation numérique d’image ou l’interférométrie de speckle peuvent fournir des mesures des contraintes et des déformations pendant l’épreuve du feu mais elles sont assez délicates et onéreuses à mettre en œuvre.
Le rayonnement émis par des feux d’hydrocarbures est dû à deux mécanismes principaux :
1- l’émission de lumière produite par les sauts d’énergie des molécules durant la combustion. Elle est dans l’infrarouge et ne gêne pas la visibilité.
2-l’émission de lumière par le rayonnement de corps noir des particules de suie suspendues dans la flamme. Les températures de combustion du gaz naturel sont entre 1100° C et 1700°C et une grande partie du rayonnemnt du corps noir leur correspondant est dans le visible et va constituer un obstacle pour filmer les objets noyés dans la flamme.
Enfin une 3ième émission moins apparente et moins intense est due au rayonnement de corps noir émis par des corps chauds, comme les éléments de structure enveloppés par les flammes.
La méthode proposée ici est très simple à utiliser et permet de surmonter l’aveuglement de la caméra par la lumière émise par les flammes dans le spectre visible et la lumière émise par les pièces portées à haute température.
La Méthode d’imagerie à travers les flammes
La technique proposée par les deux scientifiques repose sur l’utilisation :
- de DELs de forte puissance qui émettent une lumière assez étroitement centrée sur une longueur d’onde (ici dans le bleu).
- d’un filtre optique passe-bande, ou passe-bas qui bloque toute lumière de longueur d’onde supérieure à celle émise par la source à DELs.
La figure 2 ci-dessous schématise le montage utilisé pour vérifier la fiabillité de la méthode. La caméra est placée à 1 m de la cible.
Les essais à grande échelle
L’utilisation d’un éclairage à bande étroite avec filtrage pour améliorer l’imagerie n’est pas nouveau, mais n’avait concerné que le rayonnement relativement faible émis par les objets chauffés à l’incandescence. Smith et Hoehler n’ont pas craint d’adapter cette méthode à l’imagerie d’essais à grands feux (de l’ordre du mégawatt) utilisés dans les tests de structure en vraie grandeur.
Pour des essais de feux importants, il faut éclairer la structure avec une intensité lumineuse suffisante pour voir à travers les flammes et des contraintes expérimentales empêchent souvent d’utiliser une méthode par essai et erreur pour déterminer cette intensité. Cette estimation va reposer sur la comparaison entre, d’une part, la quantité de lumière produite par la flamme et la cible chauffée, d’autre part celle réfléchie par la cible. Cela revient à comparer les radiances de ces sources.
Le quotient de la radiance de la lumière réfléchie par la cible par celle émise par la flamme constitue un rapport signal/bruit optique. Il est de l’ordre de 10-4 pour le montage en vraie grandeur représenté sur la figure 3 avec une flamme de 800 kW de puissance.
Les mesures expérimentales ont permis de vérifier que la lumière émise par la cible chauffée était négligeable vis-à-vis de la lumière émise par la flamme, mais même vis-à-vis de celle réfléchie par la cible. Le signal/bruit est alors de 4 10-4, ce qui confirme l’observation qu’il est impossible de détecter une image de la cible avec une caméra sans filtres.
Si on utilise l’éclairage par diodes bleues et les filtres devant l’objectif de la caméra, le rapport signal/bruit optique devient 1,8 (un facteur d’amélioration de 104 !) et on obtient sans problème une image de la cible pour une flamme de 800 kW.
L’imagerie est une technique utile pour l’’observation et les mesures dans l’étude des structures essayées au feu. Elle a peu été utilisée jusqu’ici à cause de la lumière dans le visible émise par les flammes. L’utilisation de sources lumineuses de forte intensité et de courte longueur d’onde (450 nm) ainsi que des filtres accordés à cette dernière permet d’obtenir des images de la cible malgré la forte lumière émise par les flammes. En travaillant vers 450 nm, on peut utiliser des caméras standards sensibles au spectre visible. et qui sont d’un faible coût. Cette technique pourra fournir de façon simple et économique des observations quantitatives de structures cibles plongées dans le feu.
Pour en savoir plus :
Imaging Through Fire Using Narrow-Spectrum Illumination,
Christopher M. Smith, Matthew S. Hoehler
Fire Technology, published on line 23 July 2018.