Une cape optique qui rend invisible un poisson rouge ou un chat !
La mythologie et les contes de fées ont souvent présenté des capes magiques capables de rendre invisibles héros et méchants. Les physiciens ont depuis quelques décades prévu théoriquement la possibilité de cacher un objet par un système physique. Celui-ci, appelé « cape d’invisibilité », transmettrait à l’œil d’un observateur l’image de ce qu’il y a derrière et autour de l’objet comme si celui-ci n’était pas là. On a pensé le réaliser avec des méta-matériaux. Ces derniers sont des matériaux artificiels composés de plusieurs couches périodiques de conducteurs et de diélectriques. Ils fonctionnent pour une longueur d’onde donnée et on n’a donc pas réussi à en réaliser pour l’ensemble des longueurs d’onde du visible. Hongsheng Chen et son équipe de l’Université Zhejiang à Hangzhou, Chine, ont réussi à construire des capes d’invisibilité qui, en lumière naturelle, annulent l’image d’êtres vivants qui y sont placés tout en transmettant celle de leur environnement. Elles sont constituées d’un ensemble de prismes en verre qui courbent le trajet de la lumière autour de tout objet placé dans la zone qu’ils entourent.
La figure 1. ci-dessous montre un aquarium où l’on a disposé une cape d’invisibilité dont la cavité est de section hexagonale. Ce sont 6 prismes identiques soigneusement disposés qui constituent le dispositif. Un poisson rouge évolue dans le récipient et pénètre parfois dans la cavité de la cape.
Les images b), c), d) et e) de la figure ci-dessus sont extraites de la vidéo ci-après :
[jwplayer mediaid= »14734″]Crédit Hongsheng Chen
En principe, on peut obtenir avec les méta-matériaux une cape d’invisibilité parfaite qui soit aussi invisible que son contenu. Mais réaliser des méta-matériaux qui fonctionnent à toutes les longueurs d’onde du spectre visible est une autre histoire. Pour des capes parfaites, tous les rayons qui contournent l’objet à cacher doivent transporter la même information optique de temps et d’espace. On dit alors que les ondes lumineuses correspondantes sont en phase.
Pour obtenir cela, les rayons qui ont des trajets différents doivent avoir des vitesses différentes, ce qui est impossible à atteindre pour tous les rayons. H. Chen et J.Pendry de l’Imperial College, Londres, ont montré qu’on pouvait obtenir une invisibilité partielle, en particulier à partir de prismes de calcite. Mais Chen et son équipe sont allés beaucoup plus loin. Ils ont abandonné l’exigence de conservation de la phase de la lumière transmise. Et ils ont obtenu cet exceptionnel résultat : une cape d’invisibilité déjà très grande qui fonctionne aux longueurs d’onde du spectre visible.
L’expérience suivante, où un chat peut être rendu invisible, illustre cela.
Crédit Hongsheng Chen
La vidéo suivante montre dynamiquement l’expérience de la figure 2 ci-dessus :
[jwplayer mediaid= »14730″]Crédit Hongsheng Chen.
La figure suivante (Fig. 3.) schématise, vue de dessus, la coupe horizontale de la cape d’invisibilité utilisée Fig.2 ci-dessus. On a figuré en noir les rayons de lumière, en pointillé rouge les fronts d’onde qui leur correspondent et leur sont perpendiculaires. Quatre des prismes sont identiques et de section isocèle, les deux autres sont identiques et de section équilatérale.
Ces deux capes d’invisibilité restent visibles elles-mêmes et ne fonctionnent que pour certaines directions d’observations. Et cette simplification qu’ont proposée H. Chen et son équipe a eu le mérite de fournir un système qui peut dissimuler de gros objets appartenant au monde réel. Ces chercheurs proposent ainsi, en reconfigurant des assemblages de prismes, de pouvoir rendre un observateur invisible pour des applications de surveillance, de sécurité ou de spectacle
Pour en savoir plus :
Natural Light Cloaking for Aquatic and Terrestrial Creatures,
Hongsheng Chen, Bin Zheng, Lian Shen, Huaping
Wang, Xianmin Zhang, Nikolay Zheludev, and Baile Zhang6
arXiv.1306.1780v1 [physics optics] 7 Jun 2013
Invisibility cloak hides cats and fish,
Nature, 11juin 2013