Un système nouveau pour détecter dans l’air les sons émis dans l’eau
Les ondes sonores sont presque entièrement réfléchies à l’interface eau-air. Il est donc quasi impossible de détecter dans l’air des sons d’origine sous-marine ou dans l’eau des sons émis dans l’air. Ce n’est que 0,1 % de l’énergie acoustique émise dans l’eau qui est transmise dans l’air à l’interface. Cela s’explique par l’énorme différence des impédances acoustiques des 2 milieux.
Ce problème est analogue à celui de la transmission de la lumière à une interface verre-air dans les objectifs photos. On le résout dans ce cas par un traitement anti-reflets : on applique sur l’interface des couches savamment calculées de matériaux d’indices divers et d’épaisseurs de l’ordre des longueurs d’onde de la lumière, obtenant ainsi une réflexion quasi-nulle, donc une transmission presque totale. Un tel procédé est irréalisable pour le son : les longueurs d’onde du son sont trop élevées (de l’ordre du mètre à une fréquence de 200 Hz) et les matériaux nécessaires peu courants.
Des physiciens Sud-Coréens (Yonsei University, Seoul, Corée du Sud) et Japonais (Hokkaido University, Sapporo, Japon) ont conçu et réalisé une structure matérielle nouvelle très simple et peu encombrante qui, placée à la surface de l’eau, permet aux ondes sonores de passer facilement de l’eau à l’air et inversement.
Pour cela, ils ont imaginé de réaliser ce que les physiciens appellent des méta-surfaces d’épaisseur bien inférieures aux longueurs d’onde du son qu’on pourrait ainsi placer à l’interface eau-air.
Ces surfaces sont composées de méta-éléments, appelés un peu abusivement méta-atomes par les chercheurs, qui permettent une transmission presque complète du son de l’eau dans l’air.
Une membrane lestée par une masse a des qualités d’absorption du son. Les chercheurs s’en sont inspirés et ont adjoint à une membrane centrale lestée d’une masse quatre membranes périphériques et une cavité cylindrique. L’ensemble constitue le méta-élément.
La figure ci-dessous représente la structure de l’un de ces méta-éléments et schématise son fonctionnement dans un dispositif de test.
Ce procédé a été testé théoriquement, par simulation et expérimentalement dans un tube guidant l’onde sonore
La Fig.2 est une photo du montage utilisé pour démontrer expérimentalement la réussite du procédé
La puissance de l’onde sonore (de fréquence 705 Hz) transmise de l’eau dans l’air par le méta-atome est égale à 30% de la puissance émise dans l’eau. . Ceci est énorme par rapport au 0,1% transmis par l’interface eau-air seule. Si on utilise dans l’air un microphone d’une sensibilité classique de 50 mV/Pa (1 Pa ≈ 1/100 000 de la pression atmosphérique normale) avec un méta-atome à l’interface eau,-air, on obtient un détecteur de son dans l’eau d’une sensibilité de 0,456 mV/Pa, environ dix fois plus grande que celle des meilleurs hydrophones. Et ceci avec un méta-élément d’une épaisseur de 4,8 mm seulement, 100 fois plus petite que la longueur d’onde sonore.On peut très bien concevoir une cavité remplie d’air contenant un microphone et communiquant avec l’eau où on la plonge par un méta-atome : on obtient un montage détecteur de l’onde sonore ou ultrasonore émise dans l’eau environ 1000 fois plus sensible que les hydrophones les plus performants.
Les chercheurs suggèrent de faire des réseaux à deux dimensions de méta-atomes, constituant des méta-surfaces. De telles surfaces seraient accordables, par exemple, en jouant sur la tension des membranes ou les épaisseurs des cavités associées. Cela serait d’un grand intérêt pour des applications pratiques comme la réception dans l’air d’ondes sonores ou ultrasonores émises dans l’eau ou, réciproquement, de la réception dans l’eau de telles ondes provenant de sources aériennes. Ce procédé pourrait aussi conduire à augmenter la sensibilité de l’échographie médicale par ultrasons.
Pour en savoir plus :
Meta-surface for Water-to-Air Sound Transmission
Eun Bok, Jong Jin Park, Haejin Choi, Chung Kyu Han, Oliver B. Wright, and Sam H. Lee, PHYSICAL REVIEW LETTERS 120, 044302 (2018)