Sable sec ou mouillé, sur lequel glisse mieux une charge?
Le frottement lors du glissement sur ou entre des couches de sable concerne de nombreux domaines allant des travaux publics à la dynamique des séismes. Une équipe de chercheurs hollandais, français, allemands et iraniens, sous la direction de Daniel Bonn, du Van der Waals-Zeeman Institute, IoP, University of Amsterdam, Amsterdam, Pays-Bas, a montré expérimentalement que le frottement sur le sable était fortement diminué par l’ajout d’une quantité bien dosée d’eau. Ceci explique l’action du petit personnage que l’on voit sur une peinture tombale égyptienne arrosant le sable à l’avant d’un radeau de bois servant au transport d’une énorme statue en pierre. Mais ce résultat peut aussi avoir des conséquences importantes sur le transport et la manutention des matériaux granulaires.
Les physiciens ont beaucoup discuté de l’influence de l’humidité de l’air sur le frottement sur le sable. Le consensus général était que l’humidité de l’air entraînait une condensation d’eau entre les grains de sable. On en déduisait que, durant le glissement, la rupture des ponts d’eau entre grains augmentait considérablement le frottement. Et on en concluait donc que le glissement sur sable sec était plus facile que sur le sable mouillé. Les expériences que nous décrivons ci-dessous montrent une réalité plus complexe.
Les expériences au laboratoire
Les chercheurs du Waals-Zeeman Institute ont mesuré la force nécessaire pour tirer à vitesse constante un radeau chargé de différents poids sur trois types de sable mélangés à diverses quantités d’eau. Ils ont utilisé un radeau en PVC (chlorure de polyvinyle) de 11x 7,5 cm que l’on voit chargé de différents poids sur la figure 2.
Dans le système sable-eau-air que constitue le sable mouillé, l’eau forme des ponts capillaires entre les grains de sable. Différentes densités de liquide conduisent à des forces de frottement variées comme on peut le voir sur la figure 3.
On peut remarquer sur la figure 3 que pour 1,5% et 7,4% d’eau dans le sable, la force nécessaire pour le déplacement a très peu changé par rapport au sable sec. La proportion de 5% correspond à un minimum de la force nécessaire pour un type de sable donné. Ce minimum du coefficient de friction correspond à un maximum du module de cisaillement que des mesures complémentaires ont mis en évidence.
L’interprétation du phénomène
Les chercheurs expliquent leurs observations par une augmentation du module de cisaillement quand des ponts capillaires se forment entre les grains de sable et créent une attraction entre les grains qui rend le sable moins déformable et donc le coefficient de friction moins élevé. Mais, à partir d’une certaine proportion d’eau, les ponts fusionnent et même finissent par disparaître quand le sable est saturé. La figure 4 ci-dessous illustre cela par des microphotographies aux rayons X de billes de polystyrène mélangées à diverses quantités de liquide.
Cette étude a aussi montré que la diminution des forces de friction par ajout d’une faible quantité d’eau était plus forte avec du sable (on l’appelle polydispersé) dont les grains sont de dimensions différentes qu’avec du sable (monodispersé) dont les grains sont de même dimension.
Ces résultats expérimentaux montrent que la présence de très petites quantités d’eau peut modifier profondément le frottement sur le sable. Ils vont permettre en particulier d’améliorer le transport de matériaux granuleux à travers des tubes. En comprenant mieux le frottement sur les parois, on pourra optimiser ce transport dont on estime actuellement qu’il est responsable de 10% de l’énergie totale consommée dans le monde.
Pour en savoir plus :
Sliding Friction on Wet and Dry Sand
A.Fall, B. Weber, M. Pakpour, N. Lenoir, N. Shahidzadeh, J. Fiscina, C. Wagner, and D. Bonn
Physical Review Letters 112, 175502 (2014)