Quand un colorant rend transparente la peau d’une souris et révèle ses organes internes

 

Une équipe de physiciens et de neuroscientifiques de Stanford University, Stanford, USA a fait l’hypothèse que des molécules fortement absorbantes pouvaient permettre une transmission optique à travers des tissus biologiques vivants.

Elle repose sur l’observation contraire à l’intuition que des molécules absorbant fortement la lumière conduisent à la transparence de tissus biologiques vivants. Et, en effet, une solution aqueuse d’un colorant alimentaire courant, la tartrazine, rend réversiblement transparents la peau, les muscles et les ligaments chez des rongeurs vivants.

En appliquant le modèle de Lorentz aux propriétés diélectriques des matériaux, les chercheurs ont prédit que des molécules de colorant ayant de fortes absorptions résonnantes dans le proche ultra-violet (300 à 400 nm) et la région bleue du spectre visible(400 à 500 nm) augmentent l’indice de réfraction dans la région rouge du milieu aqueux où elles sont dissoutes.

La figure 1 ci-dessous met en évidence cet effet.

 

 Fig.1. Des molécules de colorant qui rendent transparent des diffuseurs opaques A) 3 cuvettes transparentes sont disposées sur des caractères d’imprimerie. Elles sont remplies respectivement d’eau, d’une solution de 0,6 Mole de glycérol et d’une solution de 0,6 Mole de tartrazine, à gauche, et l’on distingue parfaitement les caractères sous-jacents. B) A droite on a rajouté dans les 3 cuvettes la même quantité de silice colloïdale qui sert de diffuseur dans des hydrogels préparés avec les mêmes solutions. Les courbes de transmission correspondantes sont tracées dans le bas de la figure. On remarque que, dans le cas B, la transmission est restée importante pour la tartrazine, alors que, pour l’eau et le glycérol, elle est quasi nulle. Tiré de Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecule Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024 . Avec autorisation.


Fig.1. Des molécules de colorant qui rendent transparents des diffuseurs opaques
A)  3 cuvettes transparente sont disposées sur des caractères d’imprimerie. Elles sont remplies respectivement d’eau, d’une solution de 0,6 Mole de glycérol et d’une solution de 0,6 Mole de tartrazine, à gauche, et l’on distingue parfaitement les caractères sous-jacents.
B)  A droite on a rajouté dans les 3 cuvettes la même quantité de silice colloïdale qui sert de diffuseur dans des hydrogels préparés avec les mêmes solutions.
Les courbes de transmission correspondantes sont tracées dans le bas de la figure. On remarque que, dans le cas B, la transmission est restée importante pour la tartrazine en présence de diffuseurs de la luùière, alors que, pour l’eau et le glycérol, elle est quasi nulle.
Tiré de Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecule
Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024 . Avec autorisation.

Ce résultat montre que des colorants solubles dans l’eau peuvent réduire la différence d’indice de réfraction entre eau et corps diffusants de la lumière.

Cela conduit à envisager d’obtenir la transparence de tissus biologiques vivants qui diffusent à priori la lumière.

La figure suivante montre l’effet de molécules colorantes absorbantes de lumière sur la peau d’une souris vivante : elles la rendent quasi transparente !

Une solution de tartrazine à 0,6 M rend complètement transparente la peau dans la région rouge du spectre visible.

Si on nettoie la peau avec de l’eau, elle retrouve son opacité.

 

 

Fig.2. Des molécules absorbantes de lumière rendent optiquement transparentes la peau d’une souris vivanteA) Schéma illustrant la manière de rendre transparente la peau du crâne par application d’une solution de colorant. B) Photographie du crâne épilé de la souris avant l’application du colorant. C) Image par tavelures Laser de la tête de la souris avant l’application du colorant. D) Image par tavelures Laser de la tête de la souris après l’application du colorant. Dans l’insert, on voit une image obtenue après ablation de la peau. E) Schéma illustrant le processus visant à rendre transparente la paroi abdominale. F) Photographie en lumière blanche de l’abdomen de la souris avant l’application du colora nt. G) Photographie en lumière blanche de l’abdomen de la souris après l’application du colorant. H) Identification des principaux organes de l’abdomen. Les barres d’échelle valent 5 mm. Tiré de Achieving optical transparency in live animals

Fig.2. Des molécules absorbant la lumière rendent optiquement transparentes la peau d’une souris vivante
A)  Schéma illustrant la manière de rendre transparente la peau du crâne par application d’une solution de colorant.
B)  Photographie du crâne épilé de la souris avant l’application du colorant.
C)  Image par tavelures Laser de la tête de la souris avant l’application du colorant.
D)  Image par tavelures Laser de la tête de la souris après l’application du colorant. Dans l’insert, on voit une image obtenue après ablation de la peau.
E)  Schéma illustrant le processus visant à rendre transparente la paroi abdominale.
F)  Photographie en lumière blanche de l’abdomen de la souris avant l’application du colora nt.
G)  Photographie en lumière blanche de l’abdomen de la souris après l’application du colorant.
H)  Identification des principaux organes de l’abdomen.
Les barres d’échelle valent 5 mm.
Tiré de Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecule
Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024 . Avec autorisation.s

Quand la solution de tartrazine est appliquée sur la peau de la souris, celle-ci devient transparente dans le domaine du rouge.Et cela est visible à l’œil nu.

Sur les photos Fig.2,A, B, C, on peut observer cette transparence sur des images de tavelures laser du crâne de la souris.
Quand la solution de tartrazine est appliquée sur la peau de la souris, celle-ci devient transparente dans le domaine du rouge. Et cela est visible à l’œil nu.

Sur les photos Fig.2,A, B, C, on peut observer cette transparence sur des images de tavelures laser du crâne de la souris.

Le phénomène de tavelures est dû aux interférences entre les rayons diffusés par une cible composée de particules diffusantes et éclairée par de la lumière cohérente (produite par exemple par un laser).
Il en résulte des figures d’interférences caractérisées par une répartition irrégulière et imprévisible de taches brillantes et sombres.Soleil.

Le mécanisme d’obtention de cette transparence s’explique par la relation de Kramers-Kronig.  Cette relation mathématique relie la partie réelle et la partie imaginaire d’un nombre complexe représentant une propriété physique (donc soumise à la causalité). Dans le cas de la propagation de la lumière dans un milieu donné, la partie réelle est l’indice de réfraction, la partie imaginaire l’absorption dans le milieu.

 

Dans la vidéo suivante, on peut observer les mouvements péristaltiques de l’abdomen de la souris.

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Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024 . Avec autorisation.

 

 

 

 

On a déjà essayé de nombreuses solutions aqueuses, de glycérol, de sucres, d’acide acétique pour rendre des tissus biologiques transparents mais les hautes concentrations nécessaires entraînaient des déshydratations, des cloques et des altérations de structure. Au contraire, la tartrazine influe sur  l’indice de réfraction de l’eau à une bien plus faible concentration et son effet est réversible.

Dans le futur, on peut s’attendre à améliorer la pénétration optique d’un facteur important avec l’utilisation d’un colorant adéquat.

On imagine qu’on pourra faire ainsi de l’imagerie à multiphotons dans un crâne entier de souris ou localiser des tumeurs autour de vaisseaux sanguins sous des tissus d’un centimètre d’épaisseur grâce à des  cathéters de tomographie à cohérence optique.

 

 

 

 

Pour en savoir plus :

Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecule
Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong
Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024.