Quand un colorant rend transparente la peau d’une souris et révèle ses organes internes
Une équipe de physiciens et de neuroscientifiques de Stanford University, Stanford, USA a fait l’hypothèse que des molécules fortement absorbantes pouvaient permettre une transmission optique à travers des tissus biologiques vivants.
Elle repose sur l’observation contraire à l’intuition que des molécules absorbant fortement la lumière conduisent à la transparence de tissus biologiques vivants. Et, en effet, une solution aqueuse d’un colorant alimentaire courant, la tartrazine, rend réversiblement transparents la peau, les muscles et les ligaments chez des rongeurs vivants.
En appliquant le modèle de Lorentz aux propriétés diélectriques des matériaux, les chercheurs ont prédit que des molécules de colorant ayant de fortes absorptions résonnantes dans le proche ultra-violet (300 à 400 nm) et la région bleue du spectre visible(400 à 500 nm) augmentent l’indice de réfraction dans la région rouge du milieu aqueux où elles sont dissoutes.
La figure 1 ci-dessous met en évidence cet effet.
Ce résultat montre que des colorants solubles dans l’eau peuvent réduire la différence d’indice de réfraction entre eau et corps diffusants de la lumière.
Cela conduit à envisager d’obtenir la transparence de tissus biologiques vivants qui diffusent à priori la lumière.
La figure suivante montre l’effet de molécules colorantes absorbantes de lumière sur la peau d’une souris vivante : elles la rendent quasi transparente !
Une solution de tartrazine à 0,6 M rend complètement transparente la peau dans la région rouge du spectre visible.
Si on nettoie la peau avec de l’eau, elle retrouve son opacité.
Quand la solution de tartrazine est appliquée sur la peau de la souris, celle-ci devient transparente dans le domaine du rouge.Et cela est visible à l’œil nu.
Sur les photos Fig.2,A, B, C, on peut observer cette transparence sur des images de tavelures laser du crâne de la souris.
Quand la solution de tartrazine est appliquée sur la peau de la souris, celle-ci devient transparente dans le domaine du rouge. Et cela est visible à l’œil nu.
Sur les photos Fig.2,A, B, C, on peut observer cette transparence sur des images de tavelures laser du crâne de la souris.
Il en résulte des figures d’interférences caractérisées par une répartition irrégulière et imprévisible de taches brillantes et sombres.Soleil.
Le mécanisme d’obtention de cette transparence s’explique par la relation de Kramers-Kronig. Cette relation mathématique relie la partie réelle et la partie imaginaire d’un nombre complexe représentant une propriété physique (donc soumise à la causalité). Dans le cas de la propagation de la lumière dans un milieu donné, la partie réelle est l’indice de réfraction, la partie imaginaire l’absorption dans le milieu.
Dans la vidéo suivante, on peut observer les mouvements péristaltiques de l’abdomen de la souris.
Tiré de Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecule
Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024 . Avec autorisation.
On a déjà essayé de nombreuses solutions aqueuses, de glycérol, de sucres, d’acide acétique pour rendre des tissus biologiques transparents mais les hautes concentrations nécessaires entraînaient des déshydratations, des cloques et des altérations de structure. Au contraire, la tartrazine influe sur l’indice de réfraction de l’eau à une bien plus faible concentration et son effet est réversible.
Dans le futur, on peut s’attendre à améliorer la pénétration optique d’un facteur important avec l’utilisation d’un colorant adéquat.
On imagine qu’on pourra faire ainsi de l’imagerie à multiphotons dans un crâne entier de souris ou localiser des tumeurs autour de vaisseaux sanguins sous des tissus d’un centimètre d’épaisseur grâce à des cathéters de tomographie à cohérence optique.
Pour en savoir plus :
Achieving optical transparency in live animals with absorbing molecule
Zihao Ou, Yi-Shiou Duh, Nicholas J. Rommelfanger, Carl H. C. Keck, Shan Jiang, Kenneth Brinson Jr., Su Zhao, Elizabeth L. Schmidt, Xiang Wu, Fan Yang, Betty Cai, Han Cui, Wei Qi, Shifu Wu, Adarsh Tantry, Richard Roth, Jun Ding, Xiaoke Chen, Julia A. Kaltschmidt, Mark L. Brongersma, Guosong Hong
Science 385, 1061 (2024). 6 September 2024.