Première observation directe d’ondes gravitationnelles
Albert Einstein a prédit en 1916 l’existence d’ondes gravitationnelles comme conséquence de sa théorie de la relativité générale. Mais jusqu’ici aucune observation directe de ces ondes n’avait été réalisée.
Le 14 septembre 2015, à 9H 50 min 45 sec TU, les deux interféromètres géants distants de 3000 km de l’observatoire LIGO (acronyme de l’anglais Laser Interferometer Gravitational Wave Observatory), aux EtatsUnis, ont observé un signal correspondant à une onde gravitationnelle transitoire. Ce signal est en accord avec ce que la relativité générale prédit de l’évolution d’un système binaire de deux trous noirs qui se rapprochent pour finir par coalescer en un seul. Cette première détection directe d’ondes gravitationnelles est aussi la première observation de la coalescence de deux trous noirs binaires.
Les signaux de la première observation directe d’ondes gravitationnelles.
On peut voir sur la figure 1 ci-dessous les signaux détectés le 14 septembre 2015 à Hanford dans l’état de Washington et à Livingston, dans l’état de Louisiane ainsi que les signaux correspondants prévus par la théorie de la relativité générale.
L’appareillage utilisé
Le principe en est la mesure de la distorsion de l’espace-temps qu’exerce une onde gravitationnelle. Lors de son passage, cette onde induit entre deux bras orthogonaux d’un interféromètre une très faible différence de longueur que l’on doit mesurer avec une extraordinaire sensibilité . Il est impensable de produire au laboratoire des ondes gravitationnelles d’intensité assez grande pour être détectées. Seuls des phénomènes cosmiques de grande ampleur, comme ici la fusion de deux trous noirs, peuvent conduire à la possibilité d’une détection.
La figure 2 schématise les interféromètres géants utilisés par LIGO.
Le faisceau lumineux d’un laser Nd: YAG fonctionnant à une longueur d’onde de 1,064 µm est envoyé grâce à une lame semi-réfléchissante dans les deux bras de l’interféromètre. Toute variation de longueur de l’un des bras par rapport à l’autre entraînera une modification du signal de sortie.
Cette expérience constitue un extraordinaire tour de force en raison de la faible interaction des ondes gravitationnelles avec la matière : elles peuvent même traverser la terre sans atténuation notable. Songez que la déformation maximum d’un bras de l’interféromètre lors de l’événement GW150914 a été de l’ordre du cent millionième de la taille d’un atome !
Les appareils de LIGO sont sensibles à l’ensemble du ciel et ne possèdent pas de résolution spatiale. Il faudrait un réseau d’instruments pour reconstruire la position dans le ciel d’un objet émettant des ondes gravitationnelles qui se propagent à la vitesse de la lumière selon la théorie de la relativité générale. L’intervalle de temps mesuré de 6,9 ms entre la détection H1 et celle de L1 ne suffit pas à déterminer exactement la région de l’espace d’où provient l’événement. Il aurait fallu une autre mesure en un site distant, comme celle qu’aurait pu fournir l’interféromètre européen VIRGO s’il n’avait pas été en maintenance le 14 septembre 2015. On a pu néanmoins déterminer une région angulaire de l’espace (Fig. 3) dans laquelle s’est produit l’évènement. Le traitement des données a fourni une estimation des masses des deux trous noirs respectivement de l’ordre de 36 et 29Mo où Mo est la masse du soleil, Mo= 2 x 1030 kg. La masse du trou noir final est de 62 Mo, la perte de masse, donc d’énergie, s’est retrouvée dans l’énergie des ondes gravitationnelles émises.
Les premiers indices des ondes gravitationnelles
Les astrophysiciens américains Joseph Taylor et Russell Hulse avaient apporté en 1974 une preuve indirecte de l’existence des ondes gravitationnelles. En étudiant le pulsar PSR1913+16, membre d’un système binaire constitué de deux étoiles à neutrons, ils avaient observé que la période orbitale du couple décroissait légèrement, d’un millième de seconde par an. Ils interprétèrent ce phénomène comme la conséquence de l’émission d’ondes gravitationnelles dans le cadre de la relativité générale.
Dans les années 70, le physicien américain Weber avait tenté de détecter les ondes gravitationnelles à l’aide de cylindres métalliques pesants suspendus pour les isoler des perturbations externes ; il argua avoir observé ainsi des coïncidences sur des appareils éloignés de 2 km mais ce résultat ne put jamais être confirmé.
Un nouvel observatoire de l’espace
La figure ci-dessous représente, en haut, le système binaire de trous noirs se fusionnant d’après un modèle numérique relativiste des trous noirs. La courbe du milieu montre l’estimation de la déformation due aux ondes gravitationnelles observée à Hanford.
La détection des ondes gravitationnelles ouvre la voie à une nouvelle astronomie de l’espace : on va pouvoir enregistrer de nombreux phénomènes ayant lieu si loin dans l’espace qu’il est exclu de les observer à l’aide de télescopes optiques ou de la radioastronomie.
Ces résultats démontrent pour la première fois l’existence de systèmes de trous noirs binaires. Elles constituent la première observation directe des ondes gravitationnelles et la première observation de la fusion de deux trous noirs binaires. Ajoutons qu’elles constituent une vérification supplémentaire de la théorie de la relativité générale.
Les améliorations à venir de la sensibilité des interféromètres géants, la mise en service de l’interféromètre européen Virgo en Italie prés de Pise et la construction envisagée d’un troisième LIGO en Inde permettront de préciser la position des sources stellaires et l’estimation de leurs paramètres.
Signalons au passage le projet européen e-LISA qui consisterait à réaliser un interféromètre dans l’espace en utilisant trois satellites. Les bras de l’interféromètre seraient alors de l’ordre de millions de km, ce qui donnerait une sensibilité fantastique au système. Le satellite LISA-Pathfinder a été lancé en décembre 2015, il doit servir à valider un certain nombre d’appareillages nécessaires au système e-LISA.
Pour en savoir plus :
Observation of Gravitational Waves from a Binary Black Hole Merger
P. Abbott et al. (LIGO Scientific Collaboration and Virgo Collaboration),
PHYSICAL REVIEW LETTERS, 116, 061102 (2016