Le mécanisme caché du “vol “ de la graine de pissenlit
Qui n’a pas un jour soufflé sur la boule d’aigrettes qui succèdent aux capitules jaunes du pissenlit en fleur et vu s’envoler des graines attachées à ce qui paraît être une petite ombelle? Celle-ci, appelée le pappus, est formée de filaments. Ce système de propagation disperse les graines à de formidables distances. Des chercheurs, physiciens et biologistes de l’Université d’Edimbourgh, GB, se sont penchés sur le rôle du pappus dans le vol de la graine. Ils ont découvert qu’outre le classique effet parachute de freinage de la chute vers le sol dû au pappus, celui-ci engendrait un anneau de vortex qui se plaçait un peu au-dessus et freinait également la chute.
Le pissenlit et de nombreuses plantes de la famille des Astéracées dispersent ainsi leurs semences grâce au vent et à d’éventuelles ascendances. Cette dispersion peut atteindre couramment plus de 30 km et exceptionnellement 150km.
Chaque graine est attachée à un pédoncule terminé par une couronne de poils filamenteux, le pappus (Fig. 1 B, Fig. 2 a). En l’absence de vent, les graines de pissenlit tombent à une vitesse constante qui est la vitesse limite, atteinte lorsque la force de freinage est égale à la force de gravité. Les graines dispersées par le vent maintiennent cette stabilité dans la direction verticale. Les chercheurs ont construit une petite soufflerie verticale (Fig.2.d) permettant de maintenir une graine à une hauteur fixe. Une caméra filme à cette hauteur l’objet éclairé par un faisceau laser élargi.
C’est ainsi que les scientifiques ont pu observer au-dessus du pappus l’anneau de vortex séparé (AVS) qui l’accompagne et lui procure une poussée supplémentaire vers le haut. Cela ralentit sa chute et permet au vent de l’emporter au loin.
La comparaison avec les écoulements autour d’un disque solide ou poreux a montré, d’une part que la porosité était nécessaire pour obtenir un anneau de vortex séparé, d’autre part que le pappus donnait de meilleurs résultat que son équivalent en disque poreux.
En effet, les filaments jouent un rôle important dans la poussée vers le haut qu’ils augmentent en réduisant par leur interaction l’écoulement d’air à travers le pappus. Les chercheurs ont obtenu un excellent modèle théorique du “vol “ de la graine de pissenlit en accord avec leurs observations.
La vidéo suivante décrit une fraction du vol de la graine libre. On y distingue l’anneau de vortex séparé du pappus.
Mise en évidence de l’anneau de vortex séparé du pappus d’une graine de pissenlit.
Dans ce film, la graine de pissenlit vole librement dans la soufflerie et on distingue l’AVS lorsque la graine passe à travers de la nappe de lumière laser. Cette expérience répétée sur 10 échantillons du même type a donné des résultats similaires.
Reproduit de « A separated vortex ring underlies the flight of the dandelion
Cathal Cummins, Madeleine Seale, Alice Macent, Daniele Certini, Enrico Mastropaolo, Ignazio Maria Viola & Naomi Nakayama
Nature volume 562, pages414–418 (2018) »
Il y a deux types de graines dispersées par le vent, celui des graines qui ont des ailes comme les graines d’érable et celui des graines “plumeuses“ comme celles de Taraxacum. Il semble bien que les grosses graines ont opté pour le premier tandis que les petites l’ont fait pour le second.
Les chercheurs d’Edimbourg font remarquer qu’on observe un fait similaire chez les insectes : les plus petits d’entre eux ont des ailes filamentaires plutôt que membranaires.
En découvrant quelle était la physique qui gouvernait le vol de la graine de pissenlit, ils ont découvert un nouveau type d’écoulement autour de petits objets immergés dans un fluide. Et il y a gros à parier que dans le monde biologique on trouve des régimes similaires.
Pour en savoir plus :
A separated vortex ring underlies the flight of the dandelion
Cathal Cummins, Madeleine Seale, Alice Macent, Daniele Certini, Enrico Mastropaolo, Ignazio Maria Viola & Naomi Nakayama
Nature volume 562, pages414–418 (2018)