D’un laser sans miroirs à certaines sources stellaires de lumière
Les lasers habituels possèdent deux miroirs opposés formant une cavité remplie d’un milieu actif qui émet un faisceau de lumière intense, directionnel et très monochromatique (cf 5 mai 2011 Le laser a plus de cinquante ans). On avait envisagé il y a déjà cinquante ans la possibilité de réaliser des lasers sans miroirs et donc sans direction préférentielle d’émission. Pour cela il faut forcer par des collisions la lumière a suivre un long trajet aléatoire dans un milieu qui amplifie son intensité. En fait, on a avancé l’existence de telles structures dans l’espace pour expliquer l’émission de puissants rayonnements très monochromatiques par certaines formations de gaz interstellaires. Des chercheurs du CNRS, de l’université de Nice Sophia Antipolis et de l’Observatoire de Paris ont réussi pour la première fois à construire au laboratoire un tel laser dit aléatoire en utilisant des atomes « froids » obtenus par refroidissement laser.
Dans un laser classique, le milieu actif est placé dans une cavité formée de deux miroirs parallèles réfléchissants entre lesquels les photons vont et viennent. Cela augmente le trajet de la lumière dans le milieu actif et permet l’amplification de lumière. Dans le laser aléatoire, on augmente ce trajet par diffusion sur une partie des atomes froids. Ces diffusions répétées empêchent la lumière de sortir tout de suite du milieu amplificateur et, si son trajet dans celui-ci est assez grand, on obtiendra une amplification laser mais la lumière sera dans toutes les directions.
Dans l’expérience de Nice, les atomes de rubidium 85Rb sont d’abord refroidis par laser.
La pression de radiation est due au transfert de quantité de mouvement des photons lorsqu’ils se réfléchissent sur un corps. La force ainsi créée correspond par unité de surface à une pression.
Ils forment dans un piège magnéto-optique un nuage d’atomes froids qu’on appelle une mélasse.
On a schématisé sur la figure les six faisceaux laser opposés qui ralentissent les atomes et les regroupent en un nuage ou « mélasse » d’où les champs magnétiques empêchent qu’ils ne s’en échappent aussitôt.
Crédit Wikipedia
On exploite alors la multiplicité des niveaux atomiques de 85Rb. (Fig.1) Par pompage optique on peuple le niveau |3’>. La transition des électrons de |3’> en |3> peuple ce dernier niveau et réalise une inversion de population entre ce niveau d’énergie et le niveau |2> de base.
Un laser Raman accordable gouverne la transition |3> —>|2’> – Δ et c’est la transition |2’> – Δ —> |2> qui fournit l’amplification laser. En réglant le laser accordable pour que la fréquence de la lumière émise corresponde à l’énergie d’une transition |2> —>|1’>, la lumière est diffusée très fortement par les atomes en |2>, ce qui augmente considérablement son trajet à l’intérieur du milieu amplificateur. Ce dernier est constitué par le nuage d’atomes froids contenant des atomes excités par le pompage optique.
Robin Kaiser et ses collègues de l’Institut Non Linéaire de Nice (CNRS et Université de Nice Sophia Antipolis) ont ainsi réalisé pour la première fois en laboratoire un laser aléatoire dans lequel les photons sont diffusés par des atomes. Ce type d’expériences va pouvoir permettre d’étudier plus avant le rôle des interférences et des phénomènes coopératifs entre atomes dans le laser aléatoire. Cette approche expérimentale alliée à la théorie est riche de promesses pour l’étude des émissions laser rencontrées en astrophysique dans certaines formations de gaz stellaires.
A partir de ce modèle de laboratoire va sûrement s’ouvrir une féconde collaboration avec les astrophysiciens pour mieux comprendre les phénomènes observés dans le ciel profond .
- A cold-atom random laser Q. Baudouin, N. Mercadier, V. Guarrera,W. Guerin and R. Kaiser
Nature Physics 55 mai 2013 | DOI: 10.1038/NPHYS2614 - Wikipedia : refroidissement d’atomes par laser
- La physique des atomes froids présentée en termes simples. Laboratoire Kastler Brossel