Diamants, synchrotron et température du cœur de la terre!
Le cœur de la terre est composé d’un noyau de fer solide entouré d’une coquille de fer en fusion. A la limite entre ces deux zones règne une pression de 330 gigapascals ( 3,3 millions d’atmosphères) due au poids des couches supérieures de la terre. Le comportement du fer en fusion à ces pressions extrêmes et en particulier sa température étaient mal connues jusqu’ici. Des scientifiques français du CEA, de l’ESRF(European Synchrotron Facility, Grenoble) et du CNRS ont réussi à reproduire ces conditions physiques en comprimant entre des enclumes en diamant(Fig.1) jusqu’à 200 gigapascals des échantillons de fer . Ceux-ci sont chauffés par un puissant laser et analysés en temps réel par la diffraction par rayons X fournis par le synchrotron de l’ESRF (fig.2). Ils en ont déduit une température de 6000°C ± 500 °C à la limite entre cœur solide de la terre et liquide.
Le fait d’avoir une trajectoire non rectiligne impose une accélération aux particules chargées. Elles émettent alors un rayonnement, appelé rayonnement synchrotron. Celui-ci est exploité dans les synchrotrons dits générateurs de lumière comme le synchrotron Soleil ou celui de l’ERSF utilisé dans l’expérience présentée ici. Les particules utilisées sont des électrons car, leur masse étant très faible, ils sont facilement accélérés. Schéma de principe du synchrotron SOLEIL. Des électrons sont successivement accélérés dans le Linac (accélérateur linéaire) puis dans le booster (petit accélérateur circulaire), avant d’être injectés dans le grand anneau appelé anneau de stockage, où ils tournent pendant des heures en émettant le rayonnement synchrotron. La vitesse des électrons est très proche de la vitesse de la lumière. Le rayonnement synchrotron est guidé vers les lignes de lumière installées tout autour de l’anneau de stockage. Crédit © EPSIM 3D/JF Santarelli, Synchrotron Soleil, Wikimedia Commons
C’est dans une telle ligne de lumière, véritable laboratoire, qu’a été installée à l’ESRF l’expérience avec enclumes de diamant.
Les chercheurs ont réussi à comprimer des micro-échantillons de fer (d’une taille de quelques micromètres) entre deux enclumes de diamants jusqu’à une pression de 200GPa. En même temps, l’échantillon est chauffé par un faisceau laser et soumis à des impulsions de rayonnement X venant du synchrotron. Ce faisceau extrêmement intense de rayons X permet de déterminer par diffraction l’état solide ou liquide de l’échantillon. Cette analyse ne modifie pas la température de l’échantillon en raison de la courte durée des impulsions X. En outre, on obtient une signature sans ambiguïté de la fusion par l’apparition d’un anneau de diffraction diffus. Les chercheurs ont pu suivre l’état structurel de l’échantillon de fer durant le chauffage jusqu’à 4800°C et 220 GPA. Il leur a été possible d’extrapoler leurs résultats jusqu’à 330 GPa et 6000°C.
La température à la limite solide-liquide du noyau terrestre déterminée par les chercheurs français est bien supérieure à celle (≈5000°C) ayant cours jusqu’ici qui était fondée sur des expériences anciennes datant d’une vingtaine d’années. Elle aura beaucoup d’importance pour les modèles géophysiques qui permettent de comprendre les mouvements de la tectonique des plaques et de chercher à expliquer l’origine du champ magnétique terrestre.
Ce travail représente une grande avancée dans la détermination de la température de fusion du fer à très haute pression et fournit nombre d’informations nouvelles sur la structure et la densité du fer solide avant sa fusion. D’ores et déjà, on peut affirmer à la lumière de ces résultats que le centre de la terre est de mille degrés plus chaud qu’on ne le pensait auparavant.
Pour en savoir plus:
S. Anzellini, A. Dewaele, M. Mezouar, P. Loubeyre, G. Morard: Melting of Iron at earth’s Inner Core Boundary based on Fast X-ray Diffraction, Science 26 April 2013
Site de l’ERSF, article sur le sujet