Des traces de dinosaures au plafond d’une grotte en Lozère
La période géologique du Jurassique (−201,3 à −145 millions d’années) marque le début de l’âge d’or des dinosaures qui culminera à la période suivante, le Crétacé. De nombreux fossiles et traces de ces animaux ont été trouvées dans les couches géologiques correspondantes.
Les grottes profondes et d’accès difficiles ont toutefois la propriété de conserver d’éventuelles traces fossiles. C’est ainsi que des scientifiques de l’Université de Bourgogne Franche Comté, de l’Université de Toulouse, de l’Université de Lille, de l’Université d’Aix-Marseille, de l’Association Paléontologique des Hauts Plateaux du Languedoc, du Parc des Cévennes et du Jardin des Arts, Puy en Velay ont pu relever des traces de dinosaures sauropodes dans la grotte de Castelbouc, à 500 m en dessous du plateau du Causse Méjean, en Lozère.
Wikimedia, Dinoguy2, CC BY-SA 3.0
C’est durant une exploration spéléologique du réseau souterrain de type karstique de la grotte de Castelbouc que furent découvertes des traces de cheminement de sauropodes.
Ces traces de déplacements représentent la première observation de traces de sauropodes dans une grotte karstique naturelle.
Elles sont visibles au plafond de la galerie dite du Tunnel de la grotte de Castelbouc (Fig.1).
Cet ensemble karstique qui appartient au Jurassique moyen (175,6 à 161,2 millions d’années) est composé de deux grandes cavernes, Castelbouc No 1 et No 4 et de deux sources souterraines dans les cavernes No 2 et No 3. L’entrée en est située dans les Gorges du Tarn, à 30 km au Sud de Mende. L’ensemble avait déjà été repéré avant le Moyen-Age, comme en témoignent d’anciens textes. Il restait bien connu localement par les écoulements d’eau en provenant après de fortes pluies. En 2015, les premières traces de dinosaures ont été découvertes, lors d’une expédition spéléologique, par Jean-David Moreau, l’un des scientifiques qui allaient en entreprendre l’étude systématique de 2015 à 2018.
La caverne No 4 de Castelbouc est formée de calcaires à stipites (houilles limoneuses) d’une épaisseur de 30 à 50 m. Le calcaire gris alterne avec de fines couches de lignite marneuse et du calcaire blanc oolithique. L’accès à cette galerie du Tunnel n’est possible qu’en marchant à quatre pattes dans un labyrinthe d’environ 100 m de long. Comme certaines portions en sont périodiquement noyées par les eaux, l’accès à la galerie est périlleux et doit se limiter à la saison sèche.
Dans cette caverne, des relevés photogrammétriques 3D extrêmement précis ont permis de faire un relevé de trois ensembles de traces correspondant à trois trajets différents.
Le premier, CAS-1 contient des traces très larges de pieds et de mains ainsi que le deuxième CAS-2, le dernier, CAS-3, uniquement des traces de pieds. La taille des traces de pieds est toujours d’environ 75 cm de large, ce qui est assez conséquent !
La figure ci-dessous montre les traces de CAS-3 qui présentent de très beaux détails remarquablement fouillés de pieds et de griffes.
Les détails magnifiques des pieds et griffes suggèrent que la surface sur laquelle se déplaçaient les sauropodes était probablement proche du toit de la caverne.
Une étude stratigraphique complète de la grotte CAS 4 a été réalisée. Elle a pu montrer que les dépôts environnant les traces de pas des sauropodes étaient d’origine marine. La présence dans les couches de lignite, de cuticules de coniféres, de bois et de minéraux d’origine terrestre (quartz, rutile, etc.) atteste aussi d’une origine terrestre.
On pense ainsi que les sauropodes de Castelbouc marchaient le long de baies ouvertes sur la mer.
Les cuticules de plantes récoltées dans la galerie du Tunnel suggèrent la présence d’une forêt à dominance de conifères le long de la côte arpentée par les sauropodes.
Ces traces de sauropodes présentaient une combinaison unique de caractères qui n’était observée dans aucun autre ensemble de traces de dinosaures. Les scientifiques ont donc baptisé l’espèce à l’origine des traces de Castelbouc Occitanopodus gandi. Le nom dérive de la région occitane et du grec podus (pied); gandi est en hommage au paléontologiste Georges Gand.
Les traces observées à Castelbouc attestent bien de la présence de dinosaures sauropodes géants dans un environnement côtier durant le Jurassique Moyen.
Pour en savoir plus :
Middle Jurassic tracks of sauropod dinosaurs in a deep karst cave in France
Jean-David Moreau, Vincent Trincal, Emmanuel Fara, Louis Baret, Alain Jacquet, Claude Barbini, Remi Flament, Michel Wienin, Benjamin Bourel & Amandine Jean
Journal of Vertebrate Paleontology e1728286 (14 pages) 25 Mar 2020. DOI: 10.1080/02724634.2019.1728286