Des pinces optiques sur des puces de silicium !
La technique de manipulation de petites particules neutres par piégeage optique dans un faisceau laser est connue sous le nom de « pinces optiques » . En déplaçant le faisceau laser on déplace la particule piégée dans l’espace libre sous un microscope. Transférer cette technique sur une puce (micro-plaquette de silicium) pour manipuler des molécules ou des objets biologiques dans un milieu confiné est bien plus complexe. On a pu cependant obtenir du piégeage optique sur des puces avec des nano antennes (cf blog des sciences 30 août 2012) et des cavités de taille nanométrique ou micro résonateurs. Mais on ne peut déplacer de tels pièges sur une puce. Une équipe de chercheurs de l’Université de Bourgogne et du CEA Grenoble a mis au point une méthode alternative où la configuration du piège optique est modifiée selon la longueur d’onde de la lumière injectée. A l’aide de cela, ils ont réalisé la manipulation de microsphères de polystyrène de 1 micromètre de diamètre sur des puces de silicium.
Les pinces optiques exploitent la pression de radiation qui s’exerce sur toute surface exposée à un rayonnement électromagnétique. La force en résultant provient du transfert de quantité de mouvement du photon quand cette particule heurte un corps et s’y réfléchit. Tout faisceau laser focalisé présente au voisinage du point focal un rétrécissement appelé « col » (en anglais waist). La lumière (donc le champ électrique associé) est plus intense au col sur l’axe du faisceau et décroit en s’en éloignant. Il en résulte une force de rappel vers
le centre du col où la particule se piège.
Le déplacement du faisceau laser entraîne celui de la particule dans un milieu ouvert comme l’air ou l’eau. Cette technique permet donc une micromanipulation de particules sous un microscope.
Crédit Wikipedia
Les pièges optiques sur puce de silicium
Dans un milieu fermé comme celui d’une puce à microfluide, on sait créer des pièges optiques mais ils sont fixes et ne peuvent bouger dynamiquement.
Les chercheurs ont utilisé des cavités optiques pièges comme celles que nous allons décrire rapidement, mais ils ont eu l’idée nouvelle de coupler plusieurs cavités pour déplacer des particules d’un piège à un autre.
La microphotographie au microscope à balayage ci-dessous montre le type de résonateur de lumière utilisé :
Les résonateurs de lumière ainsi obtenus qu’on dénomme souvent cristaux photoniques peuvent piéger des particules.
L’influence de la longueur d’ondes sur les pièges optiques
En changeant la fréquence de la lumière utilisée, on peut faire passer des particules d’un piège à l’autre. Dans la figure 3. ci dessous, on peut voir la rotation d’un dimère modèle formé de deux billes de polystyrène ; trois cavités (nano-poutres) sont utilisées ici, les deux cavités extérieures résonant à une longueur d’onde identique λ2, la cavité centrale à λ3. Remarquons que ces longueurs d’onde ne sont pas dans le spectre visible mais dans le proche infrarouge. La couleur jaune apparente sur la figure 3a ne représente pas de la lumière mais l’intensité du champ électrique de la radiation infrarouge transmise le long des cristaux photoniques.
Dans l’expérience de la figure d, le dimère est piégé dans la cavité centrale quand la longueur d’onde est λ3, et il est piégé perpendiculairement sur les deux cavités extérieures quand elle vaut λ2. Par commutation des deux longueurs d’onde ci-dessus, on arrive à faire tourner le dimère comme le confirme la vidéo suivante :
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Rotation d’un dimère. Crédit B. Cluzel et al. Scientific reports.
On observe sur ce film une rotation obtenue par commutation manuelle des longueurs d’onde. Le processus peut être automatisé et fournir alors une rotation continue.
On peut aussi avec cette technique obtenir une translation des particules comme on le voit sur la figure 4. Cette fois-ci, avec une seule cavité nano-poutre , où deux modes sélectionnent deux parties différentes du cristal photonique, on peut déplacer une microparticule d’un endroit à l’autre.
On peut voir sur la vidéo suivante le déplacement d’une particule correspondant à la série d’images 4d :
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Translation d’une particule. CréditB. Cluzel et al. Scientific Reports.
On peut aussi par la même technique piéger des particules pour les compter.
En couplant des cavités de cristaux photoniques sur des puces optofluidiques en silicium, on peut piéger, compter, déplacer et faire tourner des particules de taille nanométriques en agissant sur la longueur d’onde.
Cette avancée nouvelle ouvre une voie pour le contrôle optique des particules et la micromanipulation d’objets biologiques d’échelle nanométrique dans un milieu restreint où les pinces optiques classiques ne peuvent être utilisées.
Pour en savoir plus :
On chip shapeable optical tweezers
C. Renaut 1,2,3B. Cluzel 1, J. Dellinger1, L. Lalouat1 , E. Picard,2 D. Peyrade3, E. Hadji2 & F. de Fornel1
1Groupe d’Optique de Champ Proche – LRC CEA n°DSM-08-36, Laboratoire Interdisciplinaire Carnot de Bourgogne. UMR CNRS 6303- Université de Bourgogne, 2SiNaPS lab./SP2M, UMR-E CEA/UJF-Grenoble1, INAC, Grenoble, 3CNRS/UJF-Grenoble1/CEA LTM, Grenoble , France.
Scientific Reports 28 juillet 2013
http://www.nature.com/srep/2013/130726/srep02290/full/srep02290.html