Des micro-poissons artificiels créés par impression 3D
De microscopiques structures capables de se déplacer dans un fluide offrent un grand intérêt dans de nombreuses applications allant de la délivrance directe de médicaments dans le sang à la décontamination de l’environnement. Il faut pour cela concevoir des « nageurs » qu’on puisse facilement reproduire fidèlement en grand nombre. Des chercheurs de l’Université de Californie, San Diego, La Jolla, USA, ont développé une technique de fabrication rapide par impression 3D de microscopiques « poissons » artificiels dotés de diverses structures biomimétiques et de capacités de locomotion contrôlée.
La fabrication des micro-poissons
Pour fabriquer les poissons et y encapsuler des nanoparticules fonctionnelles, on utilise un monomère d’un hydrogel polymérisable biocompatible, le PEGDA {poly(éthylène glycol) diacrylate}, connu pour son utilisation en implants médicaux et en culture de tissus. Les surfaces de ce matériau soumises à un rayonnement ultraviolet polymérisent en quelques secondes. En utilisant une suite de motifs projetés sur le monomère, on obtient par couches successives des structures complexes avec une résolution inférieure au micron (Fig.1. ci-dessous).
Cette technique permet, en contrôlant forme et taille des micro-nageurs, d’optimiser leur déplacement. Elle permet de fabriquer en quelques secondes des rangées de micro-poissons d’une taille d’environ 120 µm pour une épaisseur d’environ 10 µm.
L’incorporation de nanoparticules pour la propulsion et le guidage
On peut incorporer différents produits en des endroits spécifiques de la structure obtenue par impression 3D. On a ainsi fabriqué des micro-poissons ayant des nanoparticules magnétiques de Fe3O4 sur leurs têtes et des nanoparticules catalytiques de platine sur leur queue. Pour cela, il suffit, après la fabrication du corps du poisson en hydrogel de PEGDA, d’incorporer à la solution les nanoparticules désirées et de commander la polymérisation optique aux emplacements souhaités (Fig.2. ci-dessous). L’encapsulation de platine permet une propulsion efficace des micro-poissons. Celle-ci s’effectue dans la solution où baignent les poissons. En présence d’une faible proportion (5%) d’eau oxygénée ( O2H2), le platine décompose celle-ci en eau et oxygène dont les bulles propulsent les micro-poissons.
La vidéo suivante montre le déplacement d’un micro-poissons par propulsion catalytique.
[jwplayer mediaid= »20702″]
Crédit Pr. Shaochen Chen.
Pour le guidage magnétique ce sont les nanoparticules de Fe3O4 encapsulées dans la tête qui sont mises à profit. Elles permettent, durant la phase de propulsion, un alignement des poissons et leur guidage par un aimant éloigné. C’est ce qu’illustre la vidéo suivante :
[jwplayer mediaid= »20703″]
Crédit Pr. Shaochen Chen.
L’application à la détoxification
Les chercheurs ont aussi incorporé des nanoparticules neutralisant des toxines dans l’hydrogel constitutif des micro-poissons pour démontrer qu’on pouvait les utiliser pour la détoxification. Les nanoparticules utilisées pour cet exemple sont constituées de polydiacétylène (PDA). Ces nanoparticules ont une surface qui imite la membrane biologique d’une cellule. Elles peuvent attirer et capturer les toxines » formant des pores » qui attaquent les membranes des cellules. Ces toxines sont à l’origine de diverses pathologies dues à des morsures, piqûres et infections bactériennes. La toxine de ce type choisie pour l’essai est la méllitine contenue dans le venin d’abeille.
On a fait 3 tests (Fig.3). Dans le premier , dit de contrôle,(fig. 3 a), on a placé pendant 10 min des micro-poissons munis de PDA et de Pt dans la queue dans une solution à 5% de H2O2 ne contenant pas de toxines maintenue à 37°C. Malgré le mouvement des micro-poissons, on n’a observé aucune fluorescence. Celle-ci doit survenir en cas de modification de la surface du PDA par accrochage de la toxine. Dans le second groupe, on a ajouté à la solution précédente 2,5 mg de méllitine par litre, mais les micro-poissons n’étaient pas munis de nanoparticules de platine et restaient donc stationnaires. On a observé une faible fluorescence (Fig.3 b). ces deux tests confirment que l’interaction entre la toxine méllitine et les nanoparticules de PDA entraîne une fluorescence dans le rouge.
Dans le troisième test, on a utilisé des micro-poissons munis de PDA ayant des nanoparticules de Pt incorporées à leur queue, pour les faire bouger dans la solution d’eau oxygénée. On les a placés dans la même solution que le deuxième test. On voit bien sur la figure 3 c que le mouvement des micro-poissons augmente fortement la fixation de la toxine sur les nanoparticules de PDA encapsulées.
La technique de fabrication très rapide exposée plus haut fournit de manière uniforme des micro-poissons en hydrogel en grand nombre, avec des formes qui peuvent être variées à volonté. Les micro-poissons conservent leur capacité de propulsion plus de 2 heures dans une solution de H2O2 et ils peuvent être conservés à température ambiante après fabrication pendant plus d’une semaine. L’encapsulation de nanoparticules fonctionnelles dans des hydrogels biocompatibles comme le PEGDA promet une large utilisation de ces microscopiques structures dans la délivrance contrôlée de médicaments, les thérapeutiques personnalisées et l’élimination de toxines, y compris dans la nature.
Pour en savoir plus :
3D-Printed Artificial Microfish
Wei Zhu , Jinxing Li , Yew J. Leong , Isaac Rozen , Xin Qu , Renfeng Dong , Zhiguang Wu , Wei Gao , Peter H. Chung , Joseph Wang , and Shaochen Chen.
Advanced Materials, 2015, 27, 4411–4417