Des lentilles « intelligentes » dont l’astigmatisme est contrôlé électriquement
Depuis vingt ans de nombreux systèmes ont été proposés pour obtenir des objectifs à distance focale accordable. Outre les dispositifs conventionnels à moteurs, plusieurs autres furent proposés dont celui à électro-mouillage (cf le blog des sciences du 17 Mars 2011) qui équipe la plupart des appareils photographiques dont sont munis nos téléphones portables. Des chercheurs de la Queen Mary University of London, London, UK, de l’Imperial College, London, UK, de l’University of Ulster, Belfast, UK, de l’Université de Florence, Florence, Italie et de la School of Physical and Mathematical Sciences, NTU Singapore, Singapore, proposent de nouvelles lentilles solides (faites en élastomères) permettant électriquement un contrôle complet non seulement de la mise au point (focalisation), mais encore de l’astigmatisme.
Ce défaut est dû à une anomalie de sphéricité de la cornée et du cristallin. La courbure n’étant pas la même verticalement et horizontalement on a un étalement de l’image du point avec des distances focales différentes.
Des lentilles peuvent présenter ce défaut, Elles peuvent aussi parfois compenser celui de l’œil.
Wikimedia Commons. Optique louvet. myopia.jpg
Le procédé est basé sur l’utilisation d’actuateurs élastomères diélectriques. Ils sont déjà utilisés pour la réalisation de muscles artificiels. Ils se présentent principalement sous la forme de condensateurs élastiques qui peuvent se déformer sous l’effet d’un champ électrique. Ce sont de simples membranes en élastomère recouvertes sur leurs deux faces d’un matériau conducteur constituant les électrodes.
Cela avait déjà permis d’obtenir des lentilles accordables très rapides, avec un temps de réponse de l’ordre de 175 µs.
Le nouveau dispositif
Le nouveau dispositif présente l’avantage de pouvoir à la fois varier la distance focale mais encore de contrôler la géométrie plane de la lentille et ainsi de corriger un astigmatisme ou au contraire en introduire.
Il consiste en une lentille plan convexe en élastomère silicone (polydiméthylsiloxane, le PMDS) collée à l’intérieur d’un anneau en élastomère diélectrique actuateur. Sur une face de l’actuateur est imprimée une électrode divisée en quatre segments (numérotés de S1 à S4 sur la figure 1), sur l’autre face l’électrode commune de référence.
Ceci permet de contrôler l’astigmatisme selon deux axes perpendiculaires (x et y). En activant des électrodes opposées (par exemple S1 et S3), la lentille sera pressée le long de la direction des deux segments activés.
Si on active simultanément de la même façon les 4 segments, la compression radiale dans toutes les directions de la lentille augmentera sa courbure et réduira donc sa distance focale.
Pour certaines combinaisons de tensions appliquées aux électrodes, la lentille en PDMS subit non seulement un changement de courbure mais aussi peut voir sa forme passer de plan convexe à celle d’un ménisque comme on le voit Fig.1B.
Le prototype de la Fig.1 a un diamètre de 1,25 mm, celui des électrodes de commandes est de 43 mm.
La méthode de fabrication
Les étapes de la fabrication sont schématisées sur la figure 2. Le PDMS est utilisé à la fois pour la lentille et pour la membrane actuatrice car les silicones ont, par rapport aux élastomères comme le polyuréthane et les acryliques, moins de pertes viscoélastiques, une plus grande stabilité et de plus grandes vitesses de réponse.
Les électrodes déformables sont faites de PDMS chargé en noir de carbone. La lentille est obtenue en coulant le PDMS dans une lentille concave en verre utilisée comme moule.
Les déformations électriques le long d’une direction (S1S3 ou S2S4) entraînent des variations d’astigmatisme vertical ou horizontal. Au contraire, les déformations radiales n’ont pas d’influence sur l’astigmatisme. mais modifient la focalisation (mise au point).
Sur la vidéo suivante, on voit l’effet du contrôle de l’astigmatisme par la lentille.
Des signaux sinusoïdaux de fréquence 0,3 Hz sont appliqués sur les 2 paires d’électrodes S1S3 et S2S4 avec un déphasage de ϖ. La lentille passe graduellement du mode S1S3 au mode S2S4 et vice-versa. Ceci crée un brouillage directionnel de l’image de la verticale à l’horizontale. On l’observe bien sur cette image de zèbres.
Tiré de Smart Lenses with Electrically Tuneable Astigmatism
Michele Ghilardi, Hugh Boys, Peter Török, James J. C. Busfield & Federico Carpi
Scientific Reports | (6 november 2019) 9:16127 | https://doi.org/10.1038/s41598-019-52168-8 Sup. Inf. Creative Commons Attribution 4.0.