Des hydrogels qui adhèrent fortement à des solides non-poreux
Les hydrogels sont composés d’une matrice de chaînes de polymères gonflée par une grande quantité d’eau ou d’un fluide biologique. Ces matériaux ont diverses applications biomédicales (libération de médicaments, traitement de brûlures, fabrication de lentilles de contact souples et jetables) ou techniques (cf le blog des sciences : 28 Sep 2016 Un panneau tactile transparent élastique déformable à volonté). Leur grand contenu en eau empêchait jusqu’ici de les faire adhérer à des supports non poreux. On cherche à cependant à utiliser des assemblages d’hydrogels et de matériaux solides comme des métaux, des céramiques, des verres, du silicium ou encore des polymères dans des domaines extrêmement variés : applications médicales, matériaux adaptatifs, peintures antifouling pour bateaux, systèmes actuateurs pour l’optique et la fluidique ou encore petits mécanismes de précision. Des scientifiques des départements d’ingénieries mécanique et chimique du MIT (Massachusetts Institute of Technology), Cambridge, Massachusetts, USA, ont défini une stratégie et des méthodes très simples qui permettent d’obtenir des collages extrêmement solides et fonctionnels entre des hydrogels à haute résistance et divers solides, verre, silicium, céramiques, titane et aluminium.
Comment obtenir des collages très résistants entre hydrogels et matériaux solides
Alors qu’il existe maintenant des hydrogels ayant des caractéristiques physiques impressionnantes, la liaison faible et fragile existant entre eux et les matériaux solides empêche l’obtention de collages solides.
Comme des fractures à l’interface se propagent facilement dans des hydrogels fragiles, on n’utilisera que des hydrogels de haute résistance à la fracture.
Ces derniers sont généralement constitués par des réseaux de longues chaînes de polymères avec des liaisons covalentes croisées qui forment des points de réticulation. Ils sont très extensibles et contiennent aussi un réseau d’éléments dissipant l’énergie lors d’une déformation. Il serait extrêmement difficile de lier chimiquement tous les composants de l’hydrogel à la surface du solide.
Les scientifiques du MIT ont choisi d’ancrer chimiquement à la surface du solide seulement le réseau de longues chaînes de polymères de l’hydrogel à haute résistance (Fig.1a).
Pour mesurer cette énergie d’adhésion, on utilise une une machine de traction qui impose une force constante à direction verticale. La plaque solide est libre de glisser dans une direction horizontale. Son déplacement durant un intervalle de temps fournit l’aire de la surface décollée correspondante. En faisant le produit de la force par ce déplacement, on obtient l’énergie d’adhésion par unité de surface en J/m2.
La vidéo suivante présente une telle mesure.
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L’expérience filmée correspond au cas d’un hydrogel ordinaire ou à haute résistance ancré physiquement sur une plaque de verre (cf Fig.2. ci-dessous).
Reproduit avec la permission de MacMillan Publishers, Tough bonding of hydrogels to diverse non-porous surfaces. Hyunwoo Yuk, Teng Zhang, Shaoting Lin, German Alberto Parada, Xuanhe Zhao. Nature Materials 15,190–196 (2016). Suppl. Information. mov_2.
La figure 2 ci-dessous montre les différents types d’interface hydrogel-solide testés par les scientifiques. En haut à gauche on voit de l’hydrogel ordinaire et de l’hydrogel à haute résistance ancrés physiquement sur un solide, puis les mêmes ancrés chimiquement. Le collage solide n’est obtenu que par ancrage chimique d’un hydrogel à haute résistance à la fracture (carré en bas àdroite ).
La réalisation de l’ancrage chimique
Les chercheurs du MIT ont choisi de modifier la surface lisse de verre, de silicium, de titane, d’aluminium ou encore de céramique au mica à l’aide d’un silane, le 3-(triméthoxysilyl) propyl méthacrylathe (TMSPMA).
Les substrats solides cités plus haut sont exposés à un plasma d’oxygène qui oxyde leur surface. On greffe ensuite sur cette surface le silane TMSPMA. On dépose ensuite une solution précurseur d’un hydrogel. Aux silanes de la surface modifiée se lie par des liaisons covalentes croisées un réseau hydrogel de longues chaînes de polymères comme, par exemple celles du polyacrylamide (PAAm) ou du poyéthylène glycol diacrylate (PEGDA). Ces deux hydrogels peuvent très facilement être rendus à haute résistance à la fracture par interpénétration avec des réseaux réticulés d’alginates (polysaccharides), de chitosane (polyoside) ou d’ acide hyaluronique (polymère de disaccharides)
La résistance à l’arrachement de collages ainsi réalisés avec des hydrogels à haute résistance atteint plus de 1000 J/m2 avec des hydrogels qui contiennent plus de 90% d’eau en poids.
Les collages hydrogel résistant-solide ouvrent la voie à nombre d’applications.
Sur la vidéo suivante, on peut observer les possibilités d’articulations de 4 barreaux de céramique collés deux à deux avec un hydrogel haute résistance ancré chimiquement. On obtient de véritables joints souples et solides pouvant avoir des applications en mécanique et robotique.
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La souplesse de l’hydrogel combinée à la solidité du collage permet des déformations importantes et réversibles de la structure. Ces joints souples et solides constituent des articulations mécaniques.
Reproduit avec la permission de MacMillan Publishers, Tough bonding of hydrogels to diverse non-porous surfaces. Hyunwoo Yuk, Teng Zhang, Shaoting Lin, German Alberto Parada, Xuanhe Zhao. Nature Materials 15,190–196 (2016). Suppl. Information. mov_6.
Les hydrogels à haute résistance pourraient être une source potentielle de super-colles aqueuses (90% d’eau, par exemple) biocompatibles agissant sur des verres, céramiques et titane utilisés couramment dans des applications médicales (prothèses, etc..)
Ajoutons que les hydrogels à haute résistance peuvent très facilement être rendus bons conducteurs de l’électricité. IL suffit de les charger en ions métalliques appropriés. Ils peuvent alors fournir une robuste connexion avec des électrodes métalliques. Ils conservent leur conductivité si on les étire d’un facteur 4,5 et même si on leur fait subir un millier de tels cycles.
On peut donc obtenir des collages d’hydrogels sur des solides qui soient à la fois de haute résistance au décollage à l’interface (plus de 1000J/m2), transparents et bons conducteurs électriques. Leur résistance au décollage à l’interface est supérieure à celles des interfaces biologiques tendon-os et cartilage-os.
On envisage d’incorporer ou d’attacher des dispositifs électroniques à des hydrogels à haute résistance pour obtenir de systèmes électroniques extensibles qui sont plus souples, plus riches en eau et plus biocompatibles que ceux à base d’ élastomères non hydrophiles. Les hydrogels haute résistance collés sur des solides non poreux pourraient fournir des systèmes micro-fluidiques supportant de forts débits, pressions et déformations qui permettraient de les utiliser pour simuler des circuits physiologiques.
Pour en savoir plus:
Tough bonding of hydrogels to diverse non-porous surfaces
Hyunwoo Yuk, Teng Zhang, Shaoting Lin, German Alberto Parada, Xuanhe Zhao. Nature Materials 15,190–196 (2016)