Une source d’impulsions de rayons X de grande puissance
Les expériences de fusion nucléaire se déroulent dans des conditions de température et de pression extrêmes. Pour suivre le développement du processus, il faut disposer de sources de rayons X de haute intensité dans un domaine spectral allant de 1,23 nm à 0,041nm de longueur d’onde ( 1 à 30 keV en énergie).
Les sources classiques de rayons X ne présentent ni l’intensité, ni la haute fréquence des photons désirées. D’où l’utilisation de lasers de haute puissance pour exciter dans des ions métalliques des transitions atomiques émettant des rayons X de très courtes longueurs d’onde.
De premières tentatives pour créer des sources intenses de rayons X ont consisté à irradier au laser des feuilles plates de métal.La chaleur localisée à la surface de la feuille métallique produit dans un faible volume un plasma émetteur de rayons X. Cette irradiation laser d’un matériau de forte densité est faiblement couplée à celui-ci et il y a des pertes d’énergie dues à la conduction dans le solide et aux instabilités du plasma. D’autres tentatives avec des cibles gazeuses ou formées de cavités revêtues de métal ou encore d’aérogels dopés n’ont pas eu plus de succès.
Des chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory, Livermore, California, USA ont mis au point une nouvelle source de rayons X à partir du plasma produit par un laser attaquant de l’argent sous une forme extrêmement divisée. L’intensité des rayons X ainsi créés vaut deux fois celle obtenue jusqu’ici.
Ils ont obtenu cette émission très intense de rayons X en envoyant un faisceau laser sur un bloc mousseux constitué de fils d’argent d’un diamètre de l’ordre du nanomètre rassemblés en un cylindre de 4 mm de hauteur et de 4 mm de diamètre. Ces mousses de fils nanométriques d’Ag sont deux fois plus efficaces que les cavités métallisées pour une même puissance laser incidente.
Ils ont utilisé les lasers de la National Ignition Facility (NIF, Installation Nationale pour le Déclenchement de la fusion, Livermore, California, USA) pour exciter dans le bloc mousseux des transitions atomiques dans la couche K qui émettent des rayons X.
La cible en mousse de fils d’Ag nanométriques, Fig.1., ci-dessous, est obtenue en moulant à glace une suspension de nano-fils dans un moule de forme et taille désirées. On utilise ensuite un processus de séchage supercritique pour enlever le solvant. Il en résulte un matériau métallique poreux de basse densité formé de nano-fils enduits d’un surfactant, le polyvinylpyrrolidone.
Fig.1. Aperçu de la configuration des lasers du NIF et de la cible cylindrique
On a figuré au centre les faisceaux laser à 23 et 30° de la verticale (en rouge), les faisceaux à 44° de celle-ci (en vert), et les faisceaux à 50°(en bleu).
A gauche, on trouve une photographie de la cible en mousse de fils d’Ag nanométriques avant irradiation.
A droite, en fausses couleurs, une image aux rayons X de la cible en mousse d’Ag 1,0 ns après le début de l’échauffement laser.
Tiré de PHYSICAL REVIEW E 111, 015201 (2025)
Thermal energy transport in laser-driven high x-ray conversion efficiencymetallic silver nanowire foams.
J. May , G. E. Kemp , J. D. Colvin , R. Benjamin , D. Liedahl, T. Fears, S. Kucheyev, P. L. Poole,K. Widmann, and B. E. Blue. Avec autorisation
C’est l’installation laser du N.I.F. qui a été utilisée. On chauffe d’abord par absorption les nano-fils d’Ag. Ceux-ci, dont l’épaisseur ne représente que quelques « épaisseurs de peau » à ces fréquences élevées, explosent en quelques dizaines de picosecondes, formant un plasma qui est soumis à l’harmonique 3 du laser, rayonnement ultra-violet de longueur d’onde λ= 351 nm. Le plasma est excité en quelques nanosecondes par le laser qui délivre à la cible une énergie de l’ordre du mégaJoule avec une puissance de pointe de l’ordre de 380 térawatts.Dans le cas de la mousse de nano-fils d’argent irradiée, ce sont des ions avec 2 électrons sur la couche K, dits héliumoïdes, qui émettent principalement, les rayons X. Des ions avec 1 électron sur la couche L, dits hydrogénoïdes, émettent avec une intensité 10 fois plus faible des rayons X de fréquence légèrement plus élevée (≈+9%) que ceux émis par les héliumoïdes (Fig.2 ).
Le spectre du rayonnement X émis (Fig.5) est analysé par le spectrographe de contrôle du NIF que l’on voit sur la photo ci-dessous :
Cliché Lawrence Livermore National Laboratory
La figure 2 suivante montre le spectre du rayonnement émis par le plasma constitué par la mousse de fils d’argent nanométriques excitée par laser d‘ultra-puissance. Il correspond principalement aux transitions atomiques des électrons de la couche K de l’Ag.
Fig.2. Spectre typique de la couche K émis par une mousse de fils d’Ag nanométriques soumise à l’impulsion laser
La figure représente, en ordonnée, l’intensité de la photoluminescence stimulée (en anglais, photo-stimulated luminescence, PSL) par pixel du détecteur En abscisse, l’énergie des photons X émis. 22 keV correspond à une longueur d’onde λ = 0,056 nm ne est le nombre d’électrons d’une couche atomique lors d’une transition. ne = 2 –>1 signifie qu’un des deux électrons de la couche K est arraché, cette transition atomique héliumoïde émet le rayonnement X de λ = 0,056 nm. Le deuxième pic, à λ ≈0.0539 nm, de plus faible intensité, correspond à une transition atomique hydrogénoïde. Tiré de PHYSICAL REVIEW E 111, 015201 (2025) Thermal energy transport in laser-driven high x-ray conversion efficiency metallic silver nanowire foams M. J. May , G. E. Kemp , J. D. Colvin , R. Benjamin , D. Liedahl, T. Fears, S. Kucheyev, P. L. Poole,K. Widmann, and B. E. Blue. Avec autorisation.
Les chercheurs du LLNL ont réussi à obtenir une émission pulsée intense de rayons X ( 0,041 nm < λ < 0,082 nm ) à partir du plasma d’Ag produit par collision laser. Ces rayons X proviennent principalement des ions héliumoïdes excités dans la couche K des atomes d’Ag. C’est la première fois qu’on a obtenu des ions de numéro atomique Z (Ag, Z= 47) aussi élevé dans un plasma produit par laser.
De futures études conduiront à une meilleur limitation du spectre et à une meilleure compréhension des propriétés des photons laser, des échanges de chaleur et des rayons X.
Pour en savoir plus :
PHYSICAL REVIEW E 111, 015201 (2025)
Thermal energy transport in laser-driven high x-ray conversion efficiency metallic silver nanowire foams
M. J. May , G. E. Kemp , J. D. Colvin , R. Benjamin , D. Liedahl, T. Fears, S. Kucheyev, P. L. Poole,K. Widmann, and B. E. Blue