Pourquoi le béton des anciens Romains a-t-il tenu si longtemps ?
Au cours des siècles, les constructions de l’Empire Romain, des murs, des fondations, des aqueducs, des ponts etc. ont étonnamment résisté aux atteintes du temps.
Elles étaient pourtant construites en un béton non armé. Il était typiquement composé de tuf volcanique et d’autres agrégats liés par un mortier à base de chaux et de pouzzolane.
Les mortiers préparés à l’air libre utilisaient le CO2 de l’air pour leur durcissement tandis que ceux dans l’eau utilisaient la combinaison de l’eau et de la chaux avec les silicates et les alumino-silicates de la pouzzolane.Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, U ;SA, de la société DMAT, Udine, Italie, de l’Instituto Mecanica del Materiali, Grancia, Suisse et du Wyss Institute for Biology Inspired Engineering, Harvard University, Cambridge, USA se sont intéressés aux bétons de l’époque de l’empire Romain dans l’espoir de remplacer le béton actuel à base principalement de ciment Portland dont la fabrication a de graves conséquences environnementales puisqu’elle émet une tonne de CO2 par tonne de matériau produit.Des études antérieures sur les bétons Romains en milieu maritime ont montré que la dissolution de la chaux et d’inclusions de tuf vitreux suivie de précipitation et de cristallisation conduisent à l’obtention de cristaux de silicates hydratés comme la tobermorite et la philipsite.
En outre, on a constamment observé, dans les bétons romains tant maritimes qu’aériens, des clastes (ou inclusions) de chaux résiduelle et de silicates.
Ces ciments contiennent des précipitatiions d’ Hydrates de Calcium-Aluminum-Silicate (acronyme anglais C.A.S.H.).
Ces caractéristiques expliquaient peut-être la longévité de ces bétons et méritaient une recherche plus poussée.
L’étude du béton du site archéologique de Privinum
Pour en juger, les chercheurs se sont livrés à une étude chimique exhaustive des clastes de chaux résiduelle présents dans des échantillons de bétons romains vieux de plus de 2000 ans prélevés dans le site archéologique de Privinum, en Italie (Fig.1. A).
La caractérisation des échantillons a été effectuée par microscopie électronique à balayage ( MEB), par diffraction de poudre aux rayons X et principalement par spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie (dont l’acronyme anglais est EDS) . Ces analyses montrèrent que ces mortiers romains avaient été obtenus en utilisant de la chaux vive et non éteinte et qu’ainsi le mélange s’était fait à chaud grâce à la réaction -chaux vive. D’où l’hypothèse que ce sont les agrégats persistants que sont les clastes de chaux vive qui pourraient servir de source de calcium pour boucher les pores et les fractures. Ceci constitue un mécanisme chimique d’auto-réparation.
La composition d’un béton moderne inspiré de celui des Romains
Les chercheurs ont mis au point la composition d’un béton inspiré de l’ancien béton Romain préparé par mélange à chaud (grâce à l’usage de chaux vive et non éteinte) en combinant ciment Portland, cendre volcanique pulvérisée, sable, eau et chaux vive. Ces mélanges étaient versés dans des moules cylindriques (diamètre 10 cm et hauteur 10 cm) mis à prendre sous l’eau pendant 28 jours avant utilisation. On a observé sur ces échantillons l’auto-guérison de fractures induites allant jusqu’à 0,5 mm de large.
La Fig.2. ci-dessous permet de comparer la composition et la morphologie de ces deux types de béton.
Avec ce béton “moderne”, inspiré de la composition des anciens béton Romains, les chercheurs ont réalisé l’expérience suivante: préparer un cylindre de béton, le fracturer mécaniquement et le soumettre à un écoulement d’eau à travers la fracture durant lequel le calcium de la chaux se précipite en calcite (CaCO3) qui comble la fracture (Fig.3. ci-dessous) .
Dans certains cas, au lieu de la précipitation de calcite, la guérison de la fracture peut se faire par réactions avec le calcium pour former des cristaux de C.A.S.H. mais le résultat final demeure.
Ces résultats démontrent qu’on peut utiliser les anciennes méthodes de fabrication du béton dues aux Romains pour créer de modernes formules de béton Portland qui aient une durée de vie augmentée , ce qui diminue l’impact sur l’environnement puisqu’on a moins souvent besoin de fabriquer du ciment. Que des fissures ou fractures interviennent lors de la construction ou des siècles après, tant qu’il restera des clastes de chaux, il persistera des fonctionnalités d’auto-guérison.
De futures études exploreront de tells mécanismes d’auto-guérison pour les appliquer à l’amélioration des structures en bétons armés communément utilisés, mais aussi à celles en bétons non armés obtenues par les techniques de l’impression 3D.