Un canon à électrons de grande puissance miniaturisé
Les faisceaux pulsés d’électrons ultra courts ( 1 femtosec = 10-15 sec) et de forte densité d’énergie ( 1 keV par impulsion) ont de nombreuses et importantes applications, tant en imagerie scientifique qu’en spectroscopie par diffraction d’électrons. Ces électrons à vitesse proche de la lumière peuvent aussi être injectés dans des accélérateurs afin de générer des sources de rayons-X de très courte longueur d’onde. Les canons à électrons classiques utilisés pour les produire nécessitaient jusqu’ici de coûteuses alimentations d’un encombrement comparable à celui d’une voiture.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Hambourg, en Allemagne et du MIT, Cambridge, USA, dirigée par le professeur Franz Kärtner a introduit une nouvelle technique de canons à électrons utilisant pour l’accélération de ceux-ci des ondes électromagnétiques du domaine du THz (1 térahertz =1012 Hz). La taille de l’appareil devient celle d’une boîte à chaussure et sa consommation d’énergie est bien plus faible.
Le premier canon à électrons à accélération par ondes THz
Dans un canon à électrons classique, on émet des électrons à l’aide d’une cathode chauffée et, pour obtenir un faisceau rectiligne, on les accélère aussi vite que possible à l’aide d’un champ électrique continu ou radiofréquence. Les chercheurs ont d’abord construit un appareil constitué d’une cathode en cuivre sur laquelle est dirigé un faisceau laser femtoseconde (impulsion de 525 fs de durée. ) de 515 nm de longueur d’onde qui libère par effet photoélectrique des électrons. Ceux-ci sont accélérés par une impulsion d’onde électromagnétique de fréquence 0,45 THz dont la durée est celle d’une période de l’onde (≈10-12s). Cela est schématisé Fig.1. ci-dessous
Avec un tel système, on obtient des impulsions d’électrons dont la charge est de 50 femto-coulombs (1 fC= 10-15 C) avec des énergies de plusieurs dizaines d’électron-volts.
Les chercheurs ont alors perfectionné ce système pour avoir un champ électrique d’accélération des électrons plus élevé.
Le modèle compact du canon à électrons THz
On utilise un seul laser infrarouge ( longueur d’onde 1,03 µm) pour fabriquer une impulsion UV (ultraviolet) destinée à extraire les électrons et l’impulsion THz qui va les accélérer.
Pour obtenir l’impulsion UV (258 nm de longueur d’onde), on doit multiplier la fréquence du laser. On prend 1% du faisceau laser pompe et on multiplie par 4 sa fréquence fondamentale par génération d’harmonique dans deux cristaux successifs de bêta borate de baryum (Ba(BO2)2, appelé BBO). La durée d’impulsion correspond à un seul cycle de l’onde THz.
Cette fois-ci, la photocathode d’émission des électrons est un film mince de cuivre qui fait partie d’un guide d’onde à faces parallèles écartées de 75 µm (Fig.2.). Cette structure résonnante où arrive le champ électromagnétique THz permet d’augmenter l’amplitude de celui-ci. La photocathode est attaquée sur sa face arrière par le faisceau pulsé de lumière UV qui produit des électrons à l’intérieur de la cavité.
L’impulsion THz à haute intensité est obtenue en envoyant 99 % du faisceau laser pulsé de 1030 nm (1,03 µm) de longueur d’onde sur un cristal de niobate de lithium (LiNbO3) qui agit comme un redresseur.
Le fait d’utiliser un seul laser pompe pour l’excitation ultraviolette des électrons et la génération de l’onde THz entraîne une parfaite synchronisation entre l’émission d’électrons et l’impulsion THz qui va les accélérer. Ainsi chaque bouffée d’électrons émise dans la cavité guide d’onde est accélérée par une impulsion THZ correspondante.
La figure suivante illustre la petite taille du canon à électrons.
On obtient avec ce montage des bouffées d’électrons d’une énergie maximale de 800 eV pour une énergie de l’onde THz de 37,5 microjoules. Ces canons à électrons miniature sde haute énergie peuvent être directement utilisés pour la spectroscopie par diffraction d’électrons ultra rapides et fournir des informations sur des réactions chimiques ou des changements d’état. On peut aussi injecter ces électrons de haute énergie dans des accélérateurs de particules pour obtenir des sources de rayons X de très courte longueur d’onde.
Les mêmes équipes de Hambourg et du MIT ont réalisé l’an dernier un prototype d’un minuscule accélérateur linéaire pouvant remplacer les lourdes installations des accélérateurs classiques de particules. La conjonction de cette technique avec le nouveau canon à électron pourrait permettre aux scientifiques de disposer dans un faible encombrement de la puissance d’imagerie des impulsions de rayons X de longueur d’onde ultra-courte sans avoir besoin d’aller monter leurs expériences dans les grands accélérateurs.
Les chercheurs pensent aussi pouvoir abaisser la durée des bouffées d’électrons, actuellement d’une centaine de femtosecondes jusqu’à la femtoseconde (≈10-15 s). Une bouffée d’électrons d’une durée d’une seule femtoseconde devrait générer des impulsions de rayons X d’une durée de l’ordre de l’attoseconde (10-18 s ) utilisables pour l’imagerie en temps réel des mécanismes cellulaires. Cela reviendrait à disposer d’un véritable cinéma rapide en ultra-violet.