Les diatomées, algues unicellulaires, nanostructures électro-optiques de demain ?
De nombreux organismes vivants fabriquent des matériaux à base de silice qui possèdent des propriétés optiques…
Parmi ceux-là, les diatomées ont fait l’objet d’un très intéressant travail d’une équipe de chercheurs de l’université d’Oregon, aux Etats-Unis, sous la direction du professeur G. Rorrer. En élevant ces organismes dans des milieux appropriés et en leur faisant absorber in vivo du germanium, ils ont pu obtenir des nanostructures électroluminescentes, c’est à dire émettant de la lumière sous l’influence d’un champ électrique. L’électroluminescence a de nombreuses applications dans le domaine de l’éclairage que de la signalisation.
Chaque frustule est une structure en silice formée de deux coques ou thèques maintenues par une bande siliceuse. De nombreux orifices très fins, les pores traversent le frustule, leur taille varie selon les espèces de 50 à 200 nanomètres. La forme des diatomées est d’une grande diversité comme en témoigne la figure suivante.
Intérêt des structures périodiques
La structure périodique des pores des frustules leur confère des propriétés de nanocristaux photoniques qui conduisent à la sélection de longueurs d’onde particulières.
Dopage au germanium par un procédé biologique
L’équipe de G. Rorrer a réussi à insérer du Germanium dans les frustules de Pinnularia sp par un procédé biologique en cultivant les diatomées dans des milieux d’eau de mer modifiés.
Dans un premier stade, on abaisse la concentration de silice (sous forme de SI(OH)4 ) dans le milieu de culture. Puis on enrichit le milieu en silice et en germanium (sous forme de Ge(OH)4 . Une attaque à l’eau oxygénée élimine la partie vivante des diatomées. Les frustules nus ainsi obtenus contiennent du germanium à raison de 1,6 % de leur poids.
Dispositif expérimental d’électroluminescence
Sur une plaque de verre recouverte d’oxyde d’indium- étain qui constitue une électrode transparente, on dépose les frustules dopés au germanium. Par évaporation, on dépose sur celles-ci un diélectrique isolant, l’orthosilicate d’Hafnium, puis une électrode d’aluminium.
Un tel dispositif émet, quand on lui applique une tension de 150 volts à une fréquence de 10kHz, deux bandes de raies lumineuses. Pour la première les longueurs d’onde de l’une vont de l’ultraviolet (UV) au vert avec une série de raies émises entre 300 et 500 nm. Pour la deuxième, elles sont comprises entre 640 et780 nm du rouge à l’infra-rouge et les raies sont plus larges.
Les frustules de diatomées sont d’autre part naturellement photoluminescentes, c’est à dire qu’elles émettent de la lumière quand elles sont excitées par une source lumineuse. Dans le cas de Pinnularia sp. , les frustules émettent une lumière bleue de spectre continu avec un pic d’intensité à 460 nanomètres quand elles sont excitées par un rayonnement UV à 337 nm. L’intensité de la lumière émise est six fois plus forte dans le cas de frustules dopés au germanium que dans celui de frustules nus. L’exploitation de ces propriétés de luminescence a conduit à la conception de détecteurs de gaz et de vapeurs organiques.
Le dopage au germanium par un procédé biologique des frustules de diatomées permet de réaliser à partir de ces derniers des dispositifs électroluminescents fort simples et ouvre la voie à la réalisation de dispositifs optoélectroniques utilisant des composants obtenus par culture de cellules. Les dispositifs électroluminescents, faibles consommateurs d’énergie comparés aux éclairages néons, ont un large éventail d’applications, tant dans la signalisation que dans tous les dispositifs d’affichage des appareils.
En savoir plus
C. Jeffryes, R. Solanki, Y. Rangineni, Wei Wang, Chih-hung Chang, and Gregory L. Rorrer Advanced Materials. 2008, 20, 2633–2637