Les diatomées, algues unicellulaires, nanostructures électro-optiques de demain ?

De nombreux organismes vivants fabriquent des matériaux à base de silice qui possèdent des propriétés optiques…

Vue au microscope de diatomées de différentes espèces. Crédit Wikipedia.

 

Diatomée Pinnularia sp. in vivo. Longueur 30 micromètres environ. Crédit Wikipedia.

Parmi ceux-là, les diatomées ont fait l’objet d’un très intéressant travail d’une équipe  de chercheurs de l’université d’Oregon, aux Etats-Unis, sous la direction du professeur G. Rorrer.  En élevant ces organismes dans des milieux appropriés et en leur faisant absorber in vivo du germanium, ils ont pu obtenir des nanostructures  électroluminescentes, c’est à dire émettant de la lumière sous l’influence d’un champ électrique.  L’électroluminescence a de nombreuses applications dans le domaine de l’éclairage que de la signalisation.

Les diatomées sont des algues unicellulaires planctoniques dotées d’un squelette extérieur en silice, transparent et rigide, appelé frustule.  Elles mesurent de 2 micromètres à 1 mm. On les trouve dans tous les milieux aquatiques. Ce sont des éléments importants du phytoplancton des mers et elles constituent par là même un des premiers maillons de la chaîne alimentaire des animaux marins.

Chaque frustule est une structure en silice formée de deux coques ou thèques maintenues par une bande siliceuse. De nombreux orifices très fins, les pores traversent le frustule, leur taille varie selon les espèces de 50 à 200 nanomètres. La forme des diatomées est d’une grande diversité comme en témoigne la figure suivante.

On voit sur ces images de  frustules de 9 espèces de diatomées l’extraordinaire diversité de formes et de structures qui les caractérisent. Les vues ont été obtenues par microscopie à balayage(MEB). Le trait d’échelle vaut 10 micromètres. A l’exception de la vue e, qui est celle d’une diatomée fossile, les frustules sont celles d’espèces marines existant actuellement. Crédit Advanced Materials Wyley & Sons.

 

Intérêt des structures périodiques

La structure périodique des pores des frustules leur confère des propriétés de nanocristaux photoniques qui conduisent à la sélection de longueurs d’onde particulières.

Les cristaux photoniques sont des nano-structures périodiques de matériaux diélectriques ou métallo-diélectriques modifiant la propagation des photons de la même manière que le potentiel périodique créé par les atomes d’un réseau cristallin modifie celle des électrons. Quand une longueur d’onde de la lumière est égale ou inférieure à cette périodicité , des effets d’interférences interviennent et gouvernent renforcement ou atténuation de l’amplitude lumineuse.  Ceci crée des bandes de longueur d’onde permises et interdites.

 

Thèque isolée de frustule de la diatomée Pinnularia sp. On aperçoit les rangées de pores. Crédit Advanced Materials Wiley & Sons.

Image de frustules de la diatomée Pinnularia sp. déposés sur une plaque de verre recouverte d’ oxyde d’indium-étain. Crédit Advanced Materials Wiley & Sons

Dopage au  germanium par un procédé biologique

L’équipe de G. Rorrer a réussi à insérer du Germanium dans les frustules de Pinnularia sp par un procédé biologique en cultivant les diatomées dans des milieux d’eau de mer modifiés.
Dans un premier stade, on  abaisse la concentration de silice  (sous forme de SI(OH)­4 ) dans le milieu de culture.  Puis on  enrichit le milieu en silice  et en germanium (sous forme de Ge(OH)4 . Une  attaque à l’eau oxygénée  élimine la partie vivante des diatomées. Les frustules nus ainsi obtenus contiennent du germanium à raison de  1,6 % de leur poids.

Dispositif expérimental  d’électroluminescence

Sur une plaque de verre recouverte d’oxyde d’indium- étain qui constitue une électrode transparente, on dépose les frustules dopés au germanium. Par évaporation, on dépose sur celles-ci un diélectrique isolant, l’orthosilicate d’Hafnium,  puis une électrode d’aluminium.

Schéma du dispositif électroluminescent obtenu à partir de frustules de diatomées enrichies biologiquement en germanium. La lumière est émise à travers la plaque de verre. Crédit Advanced Materials Wiley & Son

Un tel dispositif émet, quand on lui applique une tension de 150  volts à une fréquence de 10kHz, deux bandes de raies lumineuses. Pour la première les longueurs d’onde de l’une vont de l’ultraviolet (UV) au vert avec une série de raies émises entre 300 et 500 nm. Pour la deuxième, elles sont comprises entre 640 et780 nm du  rouge à l’infra-rouge et les raies sont plus larges.
Les frustules de diatomées sont d’autre part  naturellement photoluminescentes, c’est à dire qu’elles émettent de la lumière quand elles sont excitées par une source lumineuse. Dans le cas de Pinnularia sp. , les frustules émettent une lumière bleue de spectre continu avec un pic d’intensité à 460 nanomètres quand elles sont excitées par un rayonnement UV à 337 nm.  L’intensité de la lumière émise est  six fois plus forte  dans le cas de  frustules dopés au germanium que dans celui de frustules nus.  L’exploitation de ces propriétés de luminescence a conduit à la conception  de détecteurs de gaz et de vapeurs organiques.
Le dopage au germanium  par un procédé biologique des frustules de diatomées permet de réaliser à partir de ces derniers des dispositifs électroluminescents  fort simples et ouvre la voie à la réalisation de dispositifs optoélectroniques utilisant des composants obtenus par culture de cellules. Les dispositifs électroluminescents, faibles consommateurs d’énergie comparés aux éclairages néons,  ont un large éventail d’applications, tant dans la signalisation que dans tous les dispositifs d’affichage des appareils.

En savoir plus

C. Jeffryes, R. Solanki, Y. Rangineni, Wei Wang, Chih-hung Chang, and Gregory L. Rorrer   Advanced  Materials. 2008, 20, 2633–2637