Stockage d’énergie sous la mer
Un aquifère est une formation géologique suffisamment poreuse ou fissurée pour stocker de l’eau. en grande quantité. Le schéma ci-dessous en donne un exemple :
Les aquifères sont souvent utilisés pour le pompage d’eau potable (nappes phréatiques). Mais, plus la nappe est profonde, plus l’eau devient salée et inapte à la consommation. Les aquifères salins sont donc bien adaptés au stockage de gaz qui prend la place de l’eau salée. Plusieurs essais de stockage de CO2 ont été réalisés à ce jour. Citons celui effectué en Mer du Nord par la société norvégienne Statoil qui injecte un million de tonnes de CO2 par an en aquifère profond. Ce gaz est extrait du gaz naturel du gisement de Sleipner exploité depuis 1996 par la même société.
Une équipe de chercheurs de l’University of Edinburgh à Edinburgh et de l’University of Strathclyde, à Glascow, au Royaume Uni propose de stocker dans des aquifères salins profonds l’énergie sous la forme d’air comprimé. Ce serait un stockage économique et fiable qui satisferait aux caractéristiques des énergies renouvelables. Elles présentent en effet des périodes de non-production, comme l’arrêt du vent pour les éoliennes ou la nuit pour le photovoltaïque ainsi que de surproduction quand la demande chute.
Le stockage d’énergie par air comprimé
L’objectif de limitation à 2°C de l’augmentation de la température du globe impose le recours à des sources d’énergie renouvelables. Dans des réseaux de distribution qui utiliseraient des sources renouvelables pour plus de 80% de l’électricité distribuée, on ne pourrait se limiter à équilibrer nuit et jour en utilisant des stockages journaliers et hebdomadaires. Il faudrait aussi pouvoir stocker l’énergie de façon saisonnière avec des intervalles de quelques mois.
En comptant toutes les installations de stockage reliées à des réseaux d’électricité dans le monde entier, on arrive à une capacité de 165 GWh, dont 98% consiste en pompage-turbinage (P-T). Ce procédé consiste à pomper de l’eau dans des bassins surélevés quand la demande en électricité est faible et à “ turbiner“ cette eau pour fournir de l’électricité quand cela est nécessaire. Le stockage par air comprimé (SAC) proposé par les chercheurs anglais apparaît avec le P-T comme l’une des techniques les plus adaptées au stockage inter-saisonnier. Les batteries sont pour l’instant de faible capacité et d’un coût de maintenance trop élevé pour cette application.
Il existe actuellement deux installations stockant de l’énergie sous forme d’air comprimé, l’une en Allemagne, l’autre aux USA. Elles utilisent des cavernes du sous-sol tapissées de sel. L’électricité est produite par l’expansion de l’air comprimé à travers une turbine à gaz mise en route avec du méthane. C’est ce qu’on appelle le SAC conventionnel (Fig.1.).
Pour obtenir un stockage inter-saisonnier, il faut emmagasiner des centaines de millions de mètres cube d’air comprimé si cela est nécessaire. En utilisant un milieu poreux constitué par certaines formations rocheuses qui contiennent de l’eau salée, les aquifères salins, on obtient un stockage bien supérieur à celui qu’on peut obtenir dans les cavernes salines. On l’appelle le stockage à air comprimé en milieu poreux (SAC-MP). Les formations rocheuses poreuses proviennent de sédiments riches en sable. De tels aquifères salins sont très nombreux sur le globe et leur capacité totale excède de loin celle des cavernes salines.
Des modèles prédictifs pour SAC-MP
Les chercheurs ont estimé le potentiel de stockage du SAC-MP à l’échelle d’une nation, le Royaume Uni. Pour cela, ils ont décrit un tel système à l’aide de 3 modèles : un modèle numérique du piégeage en roche poreuse, un modèle analytique du puits reliant le réservoir à la surface, enfin un modèle numérique de l’installation au sol à partir de modèles analytiques du compresseur, de la turbine et du carburant. Ils ont pu ainsi estimer la production d’énergie, la consommation de carburant et le rendement du système. La simulation modélise 4 mois d’injection d’air comprimé dans le réservoir avec un débit de 7,5 kg/s, suivis par trois mois de stockage, puis 2 mois d’extraction de l’air comprimé avec un débit de 15 kg/s et enfin 3 mois d’arrêt.
Le potentiel de stockage au Royaume Uni
On a rassemblé au Royaume Uni un ensemble de données sur les possibilités de stockage du CO2 dans des aquifères en roches poreuses. Il peut, bien sûr, être utilisé pour le SAC-PM.
La Fig.2. ci-dessous en résume les résultats. Les données existantes pour le stockage du CO2 ont été utilisées, leur impact est repéré sur la carte par un entourage en ligne rouge. Le jaune correspond à l’étendue pouvant servir au stockage SAC-MP
En utilisant ces données, les chercheurs ont pu estimer le potentiel de stockage d’énergie compris entre 77 et 96 TWh (1TWh = 1 térawatt heure =1012 watt heure = 109kWh) au Royaume Uni. En comparaison, le stockage estimé en se limitant à des cavernes salines sur la terre ferme n’est que de 8 TWh.
Pour réaliser ce stockage SAC-MP l, il faudrait forer un nombre de puits compris entre 6300 et 7800. Ce n’est pas énorme si on le compare aux 11000 puits forés en 40 ans pour extraire le pétrole de la Mer du Nord.
Les scientifiques écossais ont mis au point une méthode pour évaluer l’intérêt du SAC-MP dans des bassins sédimentaires en des régions quelconques du monde.
Dans le cas de la Mer du Nord autour de l’Angleterre, le potentiel d’énergie stockable alllant jusqu’à 96 TWh est assez important pour permettre un stockage saisonnier ( deux mois d’hiver).
Pour en savoir plus :
Inter-seasonal compressed-air energy storage using saline aquifers
Julien Mouli-Castillo Mark Wilkinson, Dimitri Mignard , Christopher McDermott,
Stuart Haszeldine and Zoe K. Shipton
Nature Energy, volume 4, pages131–139 (2019)
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