Fabrication de nanostructures 3 D par contraction d’une armature en gel
La fabrication par lithographie de circuits intégrés de dimensions nanoscopiques par empilement de couches successives à 2 dimensions (2D) ne permet pas toujours d’obtenir toutes les structures 3 D désirées (en particulier celles formées de sphères ou de fils métalliques disposés en structures discontinues). Une équipe pluridisciplinaire du MIT, Cambridge, USA, a inventé une méthode pour fabriquer directement des objets 3D de forme arbitraire et d’échelle nanoscopique. Ils peuvent aussi décorer ces objets avec des métaux et/ou du DNA. De nombreuses applications sont à prévoir tant en électronique et en optique qu’en médecine (délivrance ciblée de médicaments, nano senseurs, etc…).
Un système de fabrication général d’objets nanoscopiques à 3 dimensions doit permettre le dépôt de matériaux dans une armature de forme volumétrique voulue. Cette armature doit être poreuse et solvatée pour pouvoir absorber les réactifs nécessaires et, au contraire, être dense pour que le placement des matériaux se fasse avec une précision de l’ordre du nanomètre. L’équipe animée par E. Boyden a résolu cette contradiction en utilisant pour l’armature un hydrogel auquel on donne la configuration voulue dans son état solvaté et que l’on fait se rétrécir ensuite par acidification et dessication, ce qui densifie les matériaux incorporés en leur donnant une taille nanoscopique.
Un gel est un réseau tri-dimensionnel de solides dilués dans un fluide porteur. Un hydrogel est un gel dans lequel l’agent gonflant est l’eau. Il est constitué de polymères formant une matrice qui peut se gorger d’eau.
Les chercheurs du MIT ont utilisé comme armatures des hydrogels de polyacrylate ou de polyacrylamide. Par déshydratation, ces hydrogels peuvent se contracter d’un facteur 10 ou même 20.
Les 4 étapes de la nano-fabrication
1-Inscription du motif dans le gel.
Le gel dans un état gonflé d’eau est imprégné d’une solution aqueuse de fluorescéine.
On utilise la propriété qu’à la fluorescéine de réagir avec les hydrogels de polyacrylate quand elle est excitée par une lumière d’une longueur d’onde donnée fournie par un laser. Ceci permet d’attacher au gel des molécules de fluorescéine munies de réactifs chimiques selon un motif à 3 dimensions parfaitement défini par l’inscription laser (Fig.1. A et B) réalisée par balayage optique.
2-Dépôt des radicaux réactifs
Dans la seconde étape, après l’élimination de la solution de fluorescéine, on dépose un radical réactif d’une certaine espèce chimique dans le gel en des sites choisis sur le motif 3D en fluorescéine (Fig.2. A et B).
En refaisant cette opération avec un radical réactif différent, on peut déposer une autre espèce chimique en des sites bien déterminés. En répétant ceci autant de fois que nécessaire avec des réactifs divers, on peut « décorer » la structure avec des espèces chimiques variées. On dépose ainsi des matériaux différents selon des motifs différents dans le même substrat d’hydrogel.
3-Renforcement du dépôt
L’étape 2 peut être suivie d’un dépôt additionnel de substances chimiques pour renforcer les molécules ou nanomatériaux déjà déposés (Fig.3.A et B)
4-Rétrécissement
Dans la phase finale ‘Fig.3. C etD, la structure en gel munie des espèces chimiques ou des métaux déposés est rétrécie d’un facteur allant de 10 à 20 fois en la plongeant dans une solution acide et en la déshydratant.
A la fin de l’opération, l’armature en hydrogel n’est pas éliminée car elle supporte le matériel nanoscopique fabriqué. On a vu plus haut que l’on pouvait incorporer à l’hydrogel de polyacrylate des espèces chimiques aussi variées que de petites molécules, des biomolécules, des nanoparticules nanoscopiques de semi-conducteurs ou de métaux. On peut en particulier obtenir des structures métalliques nanoscopiques très utiles dans les domaines des méta-matériaux nanoscopiques et de la plasmonique.
La plasmonique, une partie majeure de la nanophotonique, traite des interactions sub-longueur d‘onde d’une onde électromagnétique avec les électrons de conduction d’une interface métal / diélectrique.
Ils ont aussi fabriqué une structure 3D composée de nombreuses sous-structures 2D ayant différents angles entre elles (fig.4.D, E, F). Elle n’aurait pu être obtenue par superposition de couches 2D ni par aucun autre moyen.
Pour étendre ce procédé à d’autres types de matériaux comme divers semi-conducteurs ou d’autres métaux, il suffit de développer un procédé chimique de dépôt en milieu aqueux compatible avec le gel.
Les objets construits par les chercheurs avaient une taille totale allant de quelques centaines de micromètres à quelques millimètres. En augmentant la vitesse de balayage du laser et en perfectionnant l’optique, on pourra aisément obtenir des objets à structure nanomètrique sur une longueur centimètrique.
Pour en savoir plus:
3D nanofabrication by volumetric deposition and controlled shrinkage
of patterned scaffolds
Daniel Oran, Samuel G. Rodriques, Ruixuan Gao, Shoh Asano,
Mark A. Skylar-Scott, Fei Chen, Paul W. Tillberg, Adam H. Marblestone, Edward S. Boyden, Science 362, 1281–1285 (2018) 14 December 2018.