De nouveaux capteurs de couleurs
Les capteurs photographiques actuels utilisés dans les appareils photos et caméras numériques sont des photodiodes en silicium sensibles à un large spectre de couleurs. Pour enregistrer des images en couleur, on place devant ces capteurs des filtres de couleur qui sont disposés en matrice et qui attribuent à des pixels donnés l’une des trois couleurs principales , rouge, vert, bleu, dont l’addition permet de reconstituer toutes les couleurs du spectre visible. Ces filtres sont disposés en matrice de Bayer.
Crédit Wikipedia CCA 3.0 Cburnett
La résolution de capteurs à matrice de Bayer est 4 fois plus faible que celle de ceux à pixels monochromes. En effet, pour définir un élément de couleur de l’image, il faut utiliser quatre pixels au lieu d’un seul en monochrome. On perd aussi forcément en intensité lumineuse 1/3 du flux lumineux total puisque chaque filtre de couleur laisse passer la part de flux correspondant à sa couleur et bloque les deux autres couleurs en les absorbant. D’autre part, il faut prévoir un programme pour analyser la mosaïque et il peut se produire des phénomènes d’interférences (moiré) entre pixels adjacents.
On a donc assez tôt envisagé d’utiliser des structures superposées qui seraient sensibles chacune à une seule couleur et laisseraient passer les deux autres. Chaque couche réaliserait ainsi à la fois l’absorption et la détection d’une composante de couleur en laissant passer les autres.
C’est ce qu’une équipe de chercheurs de l’ETH, Zürich, de l’Empa, Dübendorf, en Suisse, et de l’Institut de Physique de l’Académie Nationale des Sciences, Kiev, Ukraine a réalisé en utilisant les nouveaux matériaux semi-conducteurs que sont les perovskites (cf 16 Jan 2017 Des cellules solaires en pérovskite atteignent un rendement de 20%).
Ils ont utilisé un empilement vertical (Fig.1.a) de trois perovskites qui constituent à la fois chacune une couche sensible à la lumière et un filtre pour les couches du dessous. Ces perovskites sont obtenues par croissance en solution et sont de formule générale MAPbX3 où MA = CH3NH3+ et X = Cl–, et Br/I–.
Ce photo-détecteur se compose de trois couches : une couche supérieure de MAPbCl3 sensible au bleu, une couche médiane de MAPbBr3 sensible au vert et enfin une couche de MAPb(Br/I)3 sensible au rouge.
On fabrique très facilement des monocristaux de perovskite MAPbX3 par croissance à partir de solutions dans du diméthylformaldéhyde. En faisant varier la quantité d’halogène X, on peut ajuster finement la bande d’absorption du composé. Afin de prouver la fiabilité des perovskites au plomb et halogène, les scientifiques ont construit un prototype, simple assemblage de trois couches de perovskite : une couche de MAPbCl3 au sommet, une couche médiane de MAPbBr3 et une couche inférieure de MAPb(Br/I)3 . Ces couches sont isolées les unes des autres par des films de polymères (Fig.2a). L’ensemble représente un détecteur d’un pixel.
La sensibilité des détecteurs en perovskite est de l’ordre de celle des détecteurs silicium (cf blog 16 Jan 2017). L’épaisseur des fims minces de perovskites (quelques centaines de nanomètres) est bien plus faible que celle des détecteurs silicium (10µm au minimum) ce qui permet de réaliser un empilement fin.
Le seul photodétecteur à empilement commercialisé actuellement utilise des couches de silicium dopées différemment. Cette technologie est coûteuse comparée à celle des perovskites. En outre une fraction de la lumière rouge et de la lumière verte est absorbée dans les couches supérieures, ce qui entraîne une perte substantielle de sensibilité et un brouillage des couleurs.
Les photodétecteurs en perovskites représentent une alternative très prometteuse aux détecteurs en Si empilé en raison de leur bon marché, de leur facilité à croître en films minces monocristallins. Un fort coefficient d’absorption de la lumière permet de diminuer l’épaisseur de la couche nécessaire pour le filtrage aussi bien que pour la photodétection. Or les coefficients d’absorption des perovskites MAPbX ont presque tous un ordre de grandeur de plus que ceux du silicium. Le prototype de détecteur réalisé a fourni des images à deux dimensions avec une excellente résolution des couleurs. Les détecteurs à couches empilées ont nombre d’avantages par rapport aux systèmes classiques dissipatifs à matrice de Bayer. On peut penser qu’en un proche avenir, ils pourraient supplanter ces derniers.
Pour en savoir plus :
Non-dissipative internal optical filtering with solution grown perovskite single crystals for full-colour imaging
Sergii Yakunin, Yevhen Shynkarenko, Dmitry N Dirin, Ihor Cherniukh and Maksym V Kovalenko ,
NPG Asia Materials (2017) 9, e431.