Un fond d’œil obtenu sans dilatation de l’iris grâce à une caméra bon marché
Le fond d’œil est un examen ophtalmologique très couramment utilisé. Il nécessite une dilatation pharmacologique de l’iris. Il est intéressant d’éviter celle-ci. Des caméras le permettent actuellement, mais elles sont volumineuses, non déplaçables et coûteuses.
Des chercheurs de l’University of Illinois at Chicago, Chicago, USA et de l’Harvard Medical School, Boston, USA, proposent une caméra de ce type très économique et transportable dans la poche d’une veste.
Le fond d’œil permet d’examiner la rétine et ses vaisseaux, la tête du nerf optique (papille optique) ainsi que la macula, tache jaune d’environ 5,5 mm de diamètre, qui correspond à la concentration maximale des cônes rétiniens, photorécepteurs responsables de la vision diurne. Il fournit des informations nécessaires non seulement au diagnostic ophtalmologique, mais aussi au suivi d’affections telles que le diabète ou l’hypertension artérielle. Toutes les techniques d’observation du fond d’œil, y compris photographiques, exigent une dilatation durable (appelée mydriase) de la pupille, obtenue par l’instillation d’un collyre dans l’œil. En effet la lumière blanche nécessaire pour illuminer le fond de l’œil entraîne un rétrécissement de l’iris qui empêche l’observation. La dilatation pharmacologique présente des inconvénients pour le médecin et le patient. Il faut en effet attendre 20 minutes environ pour que le produit fasse effet et le patient éprouve une hypersensibilité à la lumière entraînant une vision trouble qui dure plusieurs heures après l’examen.
Le montage de la caméra pour fond d’œil
Le système proposé par Bailey Y. Shen et Shizuo Mukai n’a plus ces inconvénients. Son principe consiste à utiliser une lumière infrarouge (non détectée par l’œil, elle ne fait pas se fermer l’iris) pour faire la mise au point, puis à envoyer un flash de lumière blanche assez court pour éviter cette fermeture durant la prise de l’image.
La fig.1. ci-dessous montre le prototype de l’appareillage, à savoir une carte microprocesseur Raspberry Pi, une caméra Raspberry NoIR, un écran LCD tactile, une batterie, quelques câbles et une DEL double coaxiale émettant soit de l’infrarouge (λ= 850 nm), soit de la lumière blanche. En dévissant un peu l’objectif de la caméra, on fait passer sa distance focale de l’infini à 80 mm. On peut intercaler à la main entre œil et caméra une lentille convergente indépendante ( f=50 mm) pour mettre au point l’image de la rétine.
L’image enregistrée par la caméra est envoyée sur l’écran constituant ainsi un viseur (Fig.2.). L’ensemble des pièces utilisées pour le prototype revient à 175 €.
Mode opératoire de la caméra pour fond d’œil
Une fois la caméra alimentée et le système d’exploitation chargé, le programme allume l’écran viseur et la diode infrarouge. On éteint alors l’éclairage de la pièce. L’opérateur tient, d’une main la caméra, de l’autre main la lentille de focalisation qu’il place devant l’œil du patient. En alignant la caméra, la lentille et la rétine, il obtient une image infrarouge en noir et blanc du fond d’ œil délimitée par la lentille de focalisation (Fig. 3a ci-dessous). Quand il est satisfait de l’image obtenue, il presse sur le déclencheur, ce qui éteint la DEL infrarouge puis fait émettre par la DEL blanche un flash court et enregistrer une image couleur (Fig.3 b ) du fond d’œil. La durée de l’éclairage en lumière blanche est suffisamment brève pour que l’iris ne se contracte pas durant la prise de vue.
L’image est enregistrée en mémoire et peut être transmise à un ordinateur.
En infrarouge (λ= 850 nm) l’énergie du faisceau lumineux est comprise entre 50 et 90 microwatts alors qu’en lumière blanche elle l’est entre 150et 170 microwatts. Par comparaison, un ophtalmoscope classique, qui exige un iris dilaté, fournit une énergie lumineuse en lumière blanche de 1500 microwatts à demi-réglage d’intensité et 3000 microwatts à l’intensité lumineuse maximum.
Ce prototype montre qu’on peut fabriquer pour un coût très faible une caméra transportable pour fond d’œil fournissant des images de qualité. Depuis sa réalisation, il est apparu sur le marché un Raspberry Pi amélioré muni d’un processeur plus rapide et d’une liaison wifi incorporée ainsi qu’une carte caméra NoIR de résolution supérieure (8 mégapixels). Leurs prix restant inchangés, leur adoption entraînera sans surcoût une nette amélioration de la caméra à fond d’œil.
Les professionnels de santé peuvent trouver de fort nombreux usages à cet appareil. Il peut être utile à des ophtalmologistes pour examiner des patients hospitalisés sans les déplacer. En neurochirurgie, il y a des patients en soins intensifs sur lesquels il est exclu de pratiquer une dilatation pharmacologique de l’iris. Enfin le faible coût et la petite taille de cette caméra peut faire d’elle un outil intéressant pour les médecins généralistes.
Pour en savoir plus :
A Portable, Inexpensive, Nonmydriatic Fundus Camera based on the Raspberry Pi® Computer, Bailey Y. Shen and Shizuo Mukai
Journal of Ophthalmology Volume 2017, 15 March 2017