Comment le caméléon capture-t-il ses proies?
Les caméléons attrapent des insectes et de petits animaux en projetant sur ceux-ci leur langue. En la rétractant, ils ramènent la proie dans leur bouche. Ceci n’est possible que grâce à l’énorme viscosité de leur salive, comme viennent de le démontrer des chercheurs de l’Université de Mons, Belgique et du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, France.
Pour chasser les insectes qui constituent leur principale nourriture, les caméléons sont munis d’une langue protractile projetée sur la proie puis rétractée. On voit sur la figure suivante la phase de projection : l’accélération de la langue peut atteindre de 300 à 1500 m/s2, sa vitesse 20 km/h et son élongation avoir la taille de l’animal.
La dynamique de la capture
On a analysé depuis longtemps la dynamique de ce mouvement à forte accélération. La figure ci-dessous représente les différentes positions (Fig.2. a) de la langue du caméléon et son accélération (Fig.2. b) durant la prise d’une proie.
La phase de rétraction se décrit fort bien en modélisant la langue par un ressort qui n’agit que pendant la période R1 (Fig.2.) suivie d’une période R2 à vitesse constante
Quand la langue se rétracte, elle entraîne la proie attachée par la salive.
La vidéo suivante montre au ralenti la capture d’un insecte par un caméléon :
Reproduit de » Dynamics of prey prehension by chameleonsthrough viscous adhesion. Fabian Brau, Déborah Lanterbecq, Leïla-Nastasia Zghikh, Vincent Bels and Pascal Damman. NATURE PHYSICS , Advance on line publication, 20 june 2016″. Avec autorisation.
La mesure de la viscosité de la salive
Pour mesurer celle-ci à partir des faibles quantités de salive que les glandes de la langue produisent, les scientifiques ont utilisé la force exercée par ce mucus sur de petites billes d’acier descendant un plan incliné. C’est ce que montre la figure suivante :
Le mouvement est enregistré avec une caméra rapide à 250 im/s. A partir des paramètres du régime à vitesse constante, on peut atteindre la viscosité du mucus de la couche. La viscosité η obtenue est de 0,4 ±Pa.s, soit une valeur 50 fois plus élevée que celle de l’homme.
Les conclusions de l’étude
La phase de rétraction de la langue du caméléon est complètement expliquée en utilisant des équations du mouvement tenant compte de la viscosité et de l’épaisseur du film. L’adhésion visqueuse suffit à expliquer la capture de très grosses proies. A partir de ce modèle, les chercheurs ont en effet pu estimer la masse maximum capturable et ils ont trouvé qu’elle correspondait à celle des lézards et petits mammifères qu’on retrouve parfois dans l’estomac des caméléons. Ce mécanisme est apparemment surdimensionné pour les proies habituelles des caméléons.
Le fait que le bout de la langue du caméléon soit élargi et forme une sorte de coupelle durant la capture augmente la surface de contact avec la proie, facilitant le mécanisme d’adhésion.
Jusqu’ici, les biologistes pensaient que le caméléon exerçait une succion au bout de sa langue ou qu’il y avait une forte interaction (du type Velcro) entre les rugosités du bout de la langue et la peau de la proie. Le modèle de Damman, Brau et al. montre qu’il n’en est rien et que seule la viscosité de la salive explique le phénomène observé. Les salamandres projettent aussi leur langue pour capturer leur proie, il serait intéressant de pratiquer sur cette espèce la même étude et de comparer la taille maximum de proie prédite à la taille observée.
Pour en savoir plus :
Dynamics of prey prehension by chameleons through viscous adhesion.
Fabian Brau, Déborah Lanterbecq, Leïla-Nastasia Zghikh, Vincent Bels and Pascal Damman
NATURE PHYSICS Advance on line publication, 20 june 2016.