Un indice de réfraction négatif : une lame à face parallèle en guise de lentille en ultraviolet !
Les matériaux homogènes ont un indice de réfraction toujours positif, supérieur ou égal à 1. On montre que, dans une lame à face parallèle constituée d’un tel matériau, les rayons sortants ne peuvent converger pour former l’image d’un objet, ce qui s’obtient aisément avec une lentille à profil courbe faite dans la même substance. Des chercheurs américains et canadiens (NIST, Gathersburg Maryland, University of Maryland, Syracuse University, New York, USA et University of British Columbia, British Columbia, Canada) ont pourtant obtenu une lame donnant une image dans l’ultraviolet. Pour cela, ils ont réussi à construire une plaque de méta-matériau dotée d’un indice de réfraction négatif égal à -1.
Quand un rayon lumineux passe d’un milieu homogène à un autre, son angle d’incidence i avec la normale à l’interface et son angle de réfraction r dans le deuxième milieu sont reliés par la célèbre loi de Descartes, sin i =n sin r, où n est le rapport de l’indice de réfraction du deuxième milieu à celui du premier.
La figure suivante illustre ceci pour un passage de l’air d’indice 1 à un milieu d’indice positif n >1 et réciproquement.
Le physicien soviétique Victor Veselago avait en 1967, dans un article remarqué, prévu la possibilité d’obtenir un indice de réfraction négatif dans des milieux particuliers, plasmas gazeux ou semi-conducteurs par exemple. Dans ce cas on aurait une réfraction pour laquelle rayon réfracté et incident seraient du même côté de la normale (Figure 2 ci-dessous). La lumière est une onde électromagnétique et V. Veselago a montré que de tels milieux devaient présenter une perméabilité électrique ε et une perméabilité magnétique µ toutes deux négatives alors qu’ε et µ sont toujours positives dans des matériaux homogènes ordinaires.
La figure suivante montre le trajet d’un rayon incident à) partir d’un milieu d’indice 1, l’air, sur une lame d’indice négatif n=-1.
Une lame à face parallèle de matériau d’indice n= -1 permet d’obtenir la formation d’images (Fig.3. ci-dessous). C’est ce qu’on appelle une « lentille de Veselago « .
Ting Xu et al. ont conçu et réalisé un méta-matériau formé de couches successives de cellules unités identiques. Chacune d’elles est composée d’une suite de couches métal-diélectrique-métal- diélectrique-métal. Le métal est de l’argent (Ag) et le diélectrique du dioxyde de titane (TiO2). Ces couches métal -diélectrique-métal constituent des guides d’ondes pour des ondes de plasmas, appelées plasmons, susceptibles d’exister tant dans le métal (plasmons du métal) qu’à l’interface diélectrique-métal, (plasmons de surface).
La réponse de ce méta-matériau dans l’ultraviolet (ici λ= 363,8 nm) est caractérisée par un indice très proche de -1 et est isotrope dans l’espace.
La figure 4 ci-dessous schématise le système utilisé.
La plaque de méta-matériau a été obtenue par pulvérisation cathodique (sputtering). Il s’agit de condenser sur un substrat, ici du verre, une vapeur métallique ou diélectrique issue d’une source solide. L’indice de réfraction mesuré est approximativement égal à -1 sur un large intervalle d’angles d’incidence allant de 10° à 60°. La figure suivante montre les images obtenues avec un tel dispositif.
Pour obtenir ces images à deux dimensions d’objets de forme arbitraire, il est nécessaire d’utiliser une lumière ultraviolette polarisée circulairement. Ces méta-matériaux présentent, en plus de leurs propriétés réfractives négatives, l’intérêt de pouvoir moduler l’intensité de l’image ultraviolette en excitant par un laser « pompe » les couches de dioxyde de titane, ce qui fait varier leur absorption de la lumière.
La physique sous-jacente à la lentille de Veselago constitue une voie de recherche intéressante pour l’optique. En ce qui concerne ses applications, ce dispositif peut fournir une bonne résolution des images en ultraviolet, ce qui pourrait s’appliquer aux techniques de lithographie utilisées dans la fabrication de nano-structures. Comme la demande croissante de miniaturisation des circuits conduit à utiliser des longueurs d’onde de plus en plus petites, l’utilisation de lumière ultraviolette de courte longueur d’onde s’impose. Les optiques en ultraviolet sont complexes (on utilise des miroirs à la place de lentilles qui transmettent mal l’UV), ces lentilles plates apporteraient une forte simplification à ces techniques.
Pour en savoir plus :
All-angle negative refraction and active flat lensing of ultraviolet light
Ting Xu, Amit Agrawal, Maxim Abashin, Kenneth J. Chau & Henri J. Lezec
NATURE , Vol 4 9 7, 2 3 may 2 0 1 3