Un système d’affichage numérique qui compense une mauvaise vue !
Nombre de gens doivent porter des lunettes ou des verres de contact pour regarder un écran d’ordinateur. Ils pourront s’en affranchir avec un nouveau système d’affichage sur écran numérique qui modifie l’image pour un observateur donné et lui permet ainsi de la percevoir nettement. C’est une équipe de chercheurs de l’université de Californie à Berkeley et du MIT à Boston, Etats Unis, qui a mis au point un tel système alliant pour la première fois haute résolution et fort contraste.
Ce résultat a été obtenu grâce à l’utilisation du concept de champ de lumière.
Dans la photographie conventionnelle, un objectif projette sur un film plan (ou maintenant une mosaïque de capteurs) une image dont, pour une mise au point donnée, certains éléments sont nets. Pour avoir une profondeur de champ suffisante, un diaphragme sélectionne les rayons lumineux relativement proches de l’axe de l’objectif.
Si l’on pouvait enregistrer l’intégrale du champ de lumière, on pourrait reconstituer parfaitement, par exemple, une image 3 D de l’objet ou des images nettes à volonté dans divers plans. Les dispositifs dits «plénoptiques» enregistrent une partie du champ de lumière et approchent ainsi ceci (cf le blog des sciences : 14 nov 2011, Un appareil photographique révolutionnaire: la mise au point se fait après la prise de vue !).
On a obtenu au début du 20e siècle des vues en relief sans lunettes. Elles étaient obtenues soit par une matrice de microlentilles (procédé du physicien français Lippmann, prix Nobel 1908) ou par des barrières de parallaxe formées de séries de traits opaques parallèles (procédé de l’ingénieur américain Ives).
Pour envoyer dans l’œil d’un observateur myope ou hypermétrope une image qu’il percevra nette, les chercheurs de Berkeley ont utilisé une technique analogue. Ils ont réalisé des barrières de parallaxe à l’aide d’une matrice de trous d’aiguille (figure 2). Cette plaque de micro-trous est montée légèrement en avant d’une tablette numérique de 900x 640 pixels.
Cette modification de l’affichage de la tablette est relativement simple. Mais il faut en outre un logiciel de calcul sophistiqué qui, d’une part, pilote l’affichage correcteur de vision, mais, d’autre part, effectue un pré-filtrage de l’image. Ce dernier est essentiel pour obtenir une image de haute résolution. Ce logiciel est chargé dans un PC (2 cœurs à 2,7 GHz et 8 Gb de RAM) qui envoie l’image à la tablette. On pourra par la suite le charger dans le processeur graphique de la tablette.
La figure 3 ci-dessous montre plusieurs images obtenues à partir de la tablette modifiée prototype. Les deux premières colonnes sont des photographies prises avec une caméra placée à 25 cm de l’affichage. Elle est mise au point sur un plan situé à 38 cm de l’objectif, c’est-à-dire sur un plan à 13 cm derrière l’écran d’affichage. Ceci correspond parfaitement à un observateur hypermétrope (défaut de 6 dioptries).
La première colonne représente ce que voit l’hypermétrope sans correction. La deuxième représente ce qu’il voit après correction par l’écran modifié et le calcul. La troisième colonne est une simulation qui représente les images avec le traitement de pré-filtration par calcul seulement. Les images du prototype, deuxième colonne, sont très proches des images simulées pré-filtrées de la troisième colonne.
Cette technique pourrait être implantée dans des téléphones, des tablettes, des téléviseurs ou même des dispositifs d’affichage accrochés sur la tête. Comme la distance entre l’œil de l’observateur et l’écran doit être spécifiée dans le calcul, il faut qu’elle soit fixe ou mesurée. On pourrait utiliser à cette fin de nombreux systèmes électroniques existants et bon marché.
Notons en outre que ce système pourrait être fort utile pour la conduite automobile. En effet, un conducteur hypermétrope voit très bien le trafic sans lunettes, mais il en aurait besoin pour lire son compteur de vitesse ou son GPS. Dans ce cas l’affichage corrigé serait le bienvenu.
Pour en savoir plus :
Eyeglasses-free Display: Towards Correcting Visual Aberrations
with Computational Light Field Displays
Fu-Chung Huang, Gordon Wetzstein, Brian A. Barsky, Ramesh Raskar
ACM Trans. Graph. (Proc. SIGGRAPH), vol. 33, no. 4, pp. 1-12, July 2014.