Des globules blancs enrôlés à l’assaut d’un des plus dangereux cancers
On ne connaît pas jusqu’ici de traitement efficace de l’adénocarcinome ductulaire pancréatique, forme particulièrement dangereuse du cancer du pancréas.
Mais une étude récente vient d’ouvrir une voie nouvelle et inattendue pour permettre à un traitement de s’infiltrer à travers les formidables défenses tissulaires que déploie ce cancer. La tumeur pancréatique construit autour d’elle un réseau tissulaire conjonctif, le stroma, sorte de coquille qui fait barrage au passage de tout produit pharmaceutique.
Une équipe de l’Université de Pennsylvanie dirigée par l’immunologiste Robert Vonderheide, a imaginé d’activer des cellules immunitaires pour ouvrir des brèches dans le stroma. Ces cellules pourraient alors s’attaquer à la tumeur elle-même.
Ces chercheurs ont choisi d’utiliser comme activateur une protéine appelée CD 40, bien connue pour activer les cellules immunitaires dites cellules T ou lymphocites T.
Leurs essais cliniques ont porté sur des humains et des souris. Les cellules immunitaires ont effectivement attaqué l’enveloppe tissulaire des tumeurs ainsi que ces dernières.
Les chercheurs ont été surpris de voir sur les biopsies des tumeurs qu’il n’y avait pratiquement pas de cellules lymphocites T, comme attendu, mais au contraire des macrophages, globules blancs beaucoup plus primitifs et courants.
A l’assaut de la barrière tissulaire
C’est cette coquille tissulaire très dure entourant les tumeurs des cancers pancréatiques qui est responsable du mauvais pronostic de ceux-ci. Les médicaments ne peuvent pratiquement pas la traverser; de plus elle emprisonne aussi des globules blancs qui ne sont plus libres de prévenir le système immunitaire de lancer une attaque contre le cancer.
Ce qui est remarquable dans cette étude, c’est que le résultat, bien que positif, est différent de celui que les chercheurs espéraient. Ils voulaient, à l’origine, contrer l’action immuno-suppressive de la coquille tissulaire par l’utilisation de la protéine CD 40. Comme celle-ci est connue pour activer les lymphocytes T qui peuvent attaquer les tumeurs, ils pensaient que ces derniers parviendraient à franchir la barrière tissulaire et à attaquer la tumeur.
L’essai clinique fut tenté sur 21 patients qui se virent administrer outre la gemcitabine, chimiothérapie classique de ce type de cancer, un anticorps spécifique activant la protéine CD 40.
Les 21 patients eurent une survie moyenne plus élevée de plusieurs semaines que celle observée avec le traitement à la gemcitabine seule. Sur deux patients on put observer sur biopsie une réduction des tumeurs et on trouva celles-ci remplies de macrophages, mais vides de lymphocites T.
Des souris génétiquement modifiées présentent un cancer analogue
Pour comprendre le mécanisme de régression de la tumeur sous l’effet de CD 40,
les chercheurs ont alors utilisé des souris génétiquement modifiées pour développer un cancer analogue à l’adénocarcinome pancréatique ductulaire humain.
A un groupe témoin de souris non traité, ils comparèrent des groupes traités avec la gemcitamine et un anticorps activateur de CD 40 adapté à la souris et d’autres groupes traités avec la gemcitamine seule et l’anticorps seul. Les tumeurs régressèrent de 30 % chez les souris traitées avec l’anticorps, qu’elles aient reçu de la gemcitamine ou non.
En analysant les systèmes immunitaires des souris et leurs tumeurs, les chercheurs parvinrent aux conclusions suivantes : les anticorps avaient bien activé des lymphocites T mais ceux-ci étaient, pour une raison inconnue, restés dans les ganglions lymphatiques et n’avaient pas migré vers les tumeurs où l’on trouvait en revanche beaucoup de macrophages présents aussi autour de la barrière tissulaire qui commençait à se creuser et à se décomposer.
Ces résultats montrent que l’attaque de la tumeur peut être gouvernée par le seul système immunitaire de l’organisme déclenché par le CD 40. Ils ouvrent la voie à la recherche de stratégies thérapeutiques nouvelles ayant pour cible les cellules inflammatoires et le stroma au plus près de la tumeur cancéreuse.
En savoir plus :
Nature News (24 March 2011) doi:10.1038; Beatty, G. L. et al. Science 331, 1612-1616 (2011)