Des microfibres biomimétiques à structure inspirée du bambou
Il existe dans la nature nombre de fibres à l’échelle du micromètre et du nanomètre. Elles ont des propriétés mécaniques et des configurations diverses, qu’on a souvent cherché à reproduire dans des fibres artificielles. Une équipe sino-danoise propose une nouvelle méthode de fabrication de microfibres basée sur la micro-fluidique. Certaines de ces fibres biomimétiques en alginate de sodium ont une structure ressemblant à celle du bambou. En utilisant une injection micro-fluidique de gouttes, on peut leur incorporer des inclusions sphériques comme des microgouttes hydrophobes, des microsphères en polymères ou même des amas sphériques de cellules biologiques. Ce procédé très polyvalent conduit à nombre d’applications.
Le système microfluidique utilisé pour la fabrication de la microfibre à inclusions (dite aussi fibre hybride) est représenté sur la figure 2. Il est réalisé en polydiméthylsiloxane (PDMS) coulé dans un moule.
Ici la structure démoulée est collée sur un bloc plan de PDMS et on obtient ainsi des canaux d’une profondeur de 200 micromètres. L’orifice de sortie calibré utilisé mesure 200µm x 200µm.
Des seringues équipées de pousse-seringues automatiques alimentent de solutions en phase aqueuse et en phase huileuse les circuits fluidiques correspondants. On a choisi l’alginate de sodium CaA pour la fabrication des fibres à cause de sa grande biocompatibilité. On utilise comme phase aqueuse de départ une solution d’alginate de sodium NaA envoyée de façon continue dans le système microfluidique. Cette solution est extrudée par un orifice calibré dans une solution de chlorure de calcium CaCl2. Au contact des ions Ca2+ de cette solution, la fibre d’alginate de sodium est transformée en fibre gélatineuse d’alginate de calcium. La fibre produite est collectée par enroulement. Elle est déshydratée par séchage à l’air. Ce procédé est précis et stable.
Pour fabriquer des fibres hybrides en leur incorporant différents matériaux sphériques, on génère des gouttelettes hydrophobes à partir d’une solution huileuse et on les incorpore dans la solution de NaA en utilisant une des jonctions en T de la figure 2. En ouvrant périodiquement une ou l’autre des microvannes, on injecte des gouttelettes dans l’alginate de sodium à des intervalles réguliers et réglables.
Par exemple, pour incorporer des microsphères d’un polymère, le PLGA [poly(acide lactique-co-glycolique)], dans la microfibre d’alginate, une émulsion du polymère PLGA dissous dans du carbonate de diméthyle (DMC) constitue la phase huileuse. Elle est envoyée en gouttelettes dans la solution de NaA. Dans le stade suivant le NaA est gélatinisé pour former la microfibre de CaA contenant des gouttes de PGLA-DMC. Le solvant DMC s’évapore rapidement, les gouttes se contractent énormément pour former des microsphères solides dans la microfibre. La figure ci-dessous schématise ce processus
Dans ce cas, on a remplacé les gouttelettes huileuse par l’émulsion PLGA-DMC. Mais, comme le font remarquer les chercheurs de Dalian, en Chine et Aarhus, au Danemark, avec ce matériau hybride, on a la possibilité de placer différents types de composés dans une seule entité et, grâce à cela, on peut s’attendre à ce que la fibre hybride soit dotée d’une grande multifonctionnalité tout en gardant ses remarquables qualités de biocompatibilité et de biodégradabilité.
En effet, des molécules hydrophiles peuvent être incorporées dans les microfibres en hydrogel de CaA et des molécules hydrophobes dans les microsphères de PLGA, ce qui peut conduire à des diffusions indépendantes de ces molécules dans un organisme vivant.
Les chercheurs ont déjà réussi à encapsuler des agrégats multicellulaires de cellules souches mésenchymateuses (CSM) dans les microfibres en alginate de calcium en les plaçant dans la solution de départ d’alginate de sodium, NaA (Figure 4).
L’intégration de microsphères d’agrégats de CSM dans les microfibres de CaA fournit un bioréacteur pour l’étude in vitro de la croissance in vivo de tissus cellulaires. Les agrégats de cellules supportés par les fibres sont bien alimentés en oxygène et nutriments et mieux protégés des contraintes mécaniques.que dans les cultures classiques en boîtes de Petri. Ce type de culture permet aussi d’avoir une densité de cellules bien supérieure à celle obtenue par la méthode classique. Les sphéroïdes inclus peuvent être des tissus vivants et la fibre hybride peut alors servir de vecteur pour la médecine régénérative.
On a donc une nouvelle technique microfluidique qui permet en une seule opération de fabriquer une microfibre hybride à multiples fonctionnalités. Divers matériaux sphériques comme des gouttelettes hydrophobes, des microsphères en polymères et des agrégats sphéroïdaux de cellules peuvent être incorporés de façon contrôlée dans la fibre en alginate de calcium. Ceci promet de nombreuses applications, de la fabrication de nouveaux matériaux à l’obtention de tissus biologiques et leur utilisation en recherche et en médecine régénératrice.
Pour en savoir plus :
Flexible Fabrication of Biomimetic Bamboo-Like Hybrid Microfibers.
Yue Yu , Hui Wen , Jingyun Ma , Simon Lykkemark , Hui Xu , and Jianhua Qin
Advanced Materials 2014, 26, 2494–2499