L’origine du météorite de Chelyabinsk élucidée !

Le 15 février 2013, à 9H 25, une énorme roche  de quelques 11000 tonnes traversa l’atmosphère au-dessus de la Russie en créant par son échauffement une traînée incandescente. A une altitude comprise entre 45 et 30 kilomètres,  l’élément rocheux explosa en divers fragments dont le plus massif (de l’ordre de la demi-tonne) vient d’être retrouvé en octobre dans un lac, le lac Cherbakul. Des scientifiques tchèques et canadiens  ont réussi à établir que le météorite provient de l’astéroïde 86039(1999NC43). C’est en analysant les  nombreux enregistrements vidéo pris lors de l’évènement qu’ils ont pu montrer, avec une précision statistique suffisante,  que la trajectoire de l’objet reconstituée était similaire à l’orbite de cet astéroïde de 2 kilomètres  de diamètre. Ceci implique que l’objet s’est détaché de l’astéroïde.

Fig.1. La boule de feu du météore de Chelyabinsk dans le ciel de Russie en février 2013. Crédit Nature.

Fig.1. La boule de feu du météore de Chelyabinsk dans le ciel de
Russie en février 2013. Crédit Nature.

Ce jour-là, des milliers de gens observèrent un brillant globe de feu dans le  ciel de la ville de Chelyabinsk. La figure ci-dessus montre une partie de la trajectoire du météorite. On estime à 15 à 20 m la taille du météorite avant son entrée dans l’atmosphère, à 7000 à 10000 tonnes sa masse  et  son énergie équivalente à l’explosion de 100 à 500 milliers de tonnes de l’explosif TNT.  Cette énergie a été dissipée  d’une part en chaleur lors du parcours dans l’atmosphère et d’autre part lors du choc final. Cet impact a généré une énorme onde de choc qui endommagea des immeubles et brisa de nombreuses vitres. Plusieurs centaines de personnes furent  blessées. De nombreux témoins ont pu prendre des vidéos de l’événement dont la plupart furent publiées sur Internet.

En voici un exemple, pris à partir d’un véhicule en mouvement
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L’analyse des vidéos pour obtenir la trajectoire de l’objet
Les scientifiques ont analysé 15 vidéos du météorite avant l’impact.
Leur première tâche a été de calibrer les différentes vidéos.  Pour cela, ils ont pris des photographies de nuit où se percevaient à la fois des objets de référence existant dans les vidéos et de nombreuses étoiles.
Ces objets de référence pouvaient être des marques sur des immeubles, des arbres, des lampadaires, des collines. Les images de calibration devaient être prises à partir du même point que la vidéo calibrée. De nombreuses corrections ont été nécessaires.  On détermina  alors les coordonnées par rapport aux étoiles de chaque point du parcours du météorite sur les vidéos.  Les mesures de la trajectoire dans l’atmosphère et de la vitesse du météorite permirent de reconstruire l’orbite de ce corps autour du soleil avant l’impact.
Cette trajectoire a été ensuite comparée à celles des astéroïdes connus. L’astéroïde numéroté 86039 (1999NC43) avait une orbite telle que le météorite de Chelyabinsk pouvait, a priori, en être un fragment, détaché probablement à la suite d’une collision avec un objet massif. Mais les marges d’erreurs sur l’orbite du météorite imposaient une méthode plus sophistiquée.

Quand un astre inconnu a été observé plusieurs nuits, on lui donne une dénomination provisoire composée de l’année de la découverte suivie d’une lettre correspondant à la quinzaine de l’année à laquelle s’est produit la découverte (on n’utilise pas la lettre I) et d’une seconde lettre indiquant l’ordre N de la découverte pendant cette quinzaine. Si plus de 25 objets sont découverts pendant cette quinzaine,  (N>25), on indique le nombre NM de multiples de 25  compris dans N après  la deuxième lettre. Cette dernière indique alors   N-NM.
L’astéroïde 1999NC43 a donc été découvert en 1999 la treizième quinzaine de l’année, soit la 1ère quinzaine de juillet où l’on a observé 1078 objets (1078 = 25 x 43 +3). Il a reçu ensuite le numéro définitif 86039.

 

 Fig.2. Cette figure montre l’orbite reconstituée du météorite de Chelyabinsk à partir de l’exploitation des vidéos des témoins. Crédit Wikipedia Nasa.


Fig.2. Cette figure montre l’orbite reconstituée du météorite de
Chelyabinsk . Crédit Wikipedia Nasa.

L’étude probabiliste des trajectoires possibles du météorite
Pour s’affranchir  des incertitudes subsistant sur l’orbite et la vitesse du météorite, des études de probabilité ont été entreprises. On a calculé 1000 versions de la trajectoire du météorite, chacune étant obtenue en faisant varier dans les marges d’erreur correspondantes l’un des six paramètres définissant l’orbite. En comparant ce « nuage » de trajectoires  avec les orbites d’astéroïdes connus, on a pu montrer qu’il y avait un maximum  de probabilités que l’objet provienne de l’astéroïde  86039.

La figure suivante représente la projection au sol de la trajectoire du bolide.

Fig.3 On voit ici en rouge la trajectoire principale et en orange celle d’un fragment F1 de masse estimée à 450 kg que l’on retrouvera plus tard (en octobre) dans le lac Cherbakul et dont la masse réelle est 570kg. Une dizaine de fragments retrouvés et dont la détonation de séparation a pu être enregistrée acoustiquement avec précision sont représentés sur la figure. Crédit Nature.

Fig.3 On voit ici en rouge la trajectoire principale et en orange celle d’un fragment F1 de masse estimée  par le calcul à 450 kg . On le retrouvera plus tard (en octobre) dans le lac Cherbakul ;  sa masse réelle  est  570kg. Une dizaine de fragments plus petits retrouvés sont représentés sur la figure.   Les détonations qui ont accompagné leur séparation ont été  enregistrées avec précision. Crédit Nature.

 
Les scientifiques vont maintenant comparer les spectres de réflexion du météorite  de Chelyabinsk avec ceux de l’astéroïde  8639. Cela permettra de confirmer  l’origine du bolide du 15 février 2013.

Lors de la réflexion d’une onde sur un matériau plus ou moins réfléchissant une partie de l’onde est retournée vers l’émetteur. L’analyse de l’amplitude de la lumière réfléchie en fonction de la longueur d’onde constitue l’objet de la spectrométrie de réflexion. Dans le cas d’un astre ou d’un astéroïde, on étudie la réflexion de la lumière du soleil. La comparaison de spectres de réflexion permet d’établir ou d’infirmer l’identité de diverses substances.

Il est assez étonnant de penser que la trajectoire d’un météorite ait pu, pour la première fois, être déterminée avec autant de précision grâce à l’exploitation de vidéos d’amateurs et conduire ainsi à déterminer son origine. C’est aussi peut-être la première fois que ce genre de prise de vues ait eu une telle importance scientifique.

Pour en savoir plus :
The trajectory, structure and origin of the Chelyabinsk asteroidal impactor.
Jiří Borovička,  Pavel Spurný,  Wiegert, Pavel Kalenda, David Clark  & Lukáš Shrbený
Nature, 6 novembre 2013,  doi:10.1038/nature12671