Des circuits électroniques biodégradables
Les dispositifs de l’électronique moderne à base de silicium sont caractérisés par une grande stabilité et une très longue durée de vie, presque infinie. Au contraire, pour des applications médicales, on préférerait avoir des systèmes implantables qui pourraient stimuler la croissance de nerfs ou d’os, administrer des médicaments, aider à la cicatrisation de blessures ou encore tuer des bactéries en les chauffant localement et se résorber dans le corps après utilisation. C’est justement ce qu’une équipe de l’University of Illinois, Urbana, USA, de Seoul National University et Sungkyunkwan University, Corée du Sud vient de réaliser en mettant au point un ensemble de matériaux et de méthodes de fabrication qui conduisent à des dispositifs ayant ces propriétés. Notons que ceci est obtenu grâce à une utilisation adaptée des techniques de photolithographies de la microélectronique conventionnelle.
La méthode d’attaque anisotropique, clé de l’obtention des circuits biodégradables
On a tenté dans le passé de réaliser des circuits biodégradables au moyen d’électrodes ou de transistors ultra fins construits sur de la soie ou encore de semi-conducteurs organiques. Ces tentatives se sont limitées à des dispositifs ne fournissant que de simples fonctions. Les chercheurs d’Urbana et de Séoul ont réussi à obtenir des systèmes bien plus évolués. Pour cela, ils ont utilisé des couches ultrafines de silicium monocristallin semi-conducteur sur lesquelles on peut, par les techniques classiques de lithographie de la microélectronique, réaliser tous les éléments des circuits intégrés. On les transfère ensuite sur un tissu de soie. L’obtention de transistors à effet de champ, composants principaux des circuits intégrés, étant maîtrisée (Fig.1), on peut construire tout type de circuits avec diodes, capacités, inductances et électrodes de liaison.
La technique utilisée repose sur l’utilisation d’une forme particulière de Silicium déposé sur un Isolant (en anglais SOI). Il s’agit d’une plaquette de silicium d’orientation cristalline (111) recouverte d’une couche isolante d’oxyde de silicium SiO2 de 1 micromètre d’épaisseur sur laquelle on a déposé par épitaxie une couche ultrafine de 100 nm de silicium dopé p avec une orientation cristalline (100). Cette différence d’orientation est capitale car il existe un produit chimique, l’hydroxyde de tétraméthylammonium (TMAH) qui attaque sélectivement le Si (111) et non le Si (100). Cette attaque chimique permet de séparer les dispositifs fabriqués à partir de la couche ultrafine de Si (100). Les connexions sont réalisées par évaporation de magnésium d’une épaisseur de 100 nm.
Grâce à cette technique les chercheurs ont pu fabriquer avec les mêmes constituants des dispositifs biodégradables comprenant pratiquement tous les éléments des circuits intégrés classiques, allant des transistors MOSFETs aux diodes, résistances, condensateurs et inductances. Et même des cellules solaires, des photo-détecteurs, des jauges de contraintes et de température .Tous ces systèmes peuvent être alimentés par induction, sans contact.
La structure métal oxyde semi-conducteur est constituée de la grille, de l’isolant(SiO2) et du substrat semi-conducteur. Un champ électrique appliqué entre grille et substrat module le courant entre source et drain. La figure ci-dessous représente la coupe d’un tel transistor. Crédit Wikipedia Olivier Deleage.
La dégradabilité des dispositifs
La figure ci-dessous illustre la biodégradabilité de ces éléments facilitée par leur extrême minceur.
On a testé in vivo sur des rats de laboratoire ces dispositifs : on a placé sous leur peau un tel système composé d’un MOSFET, d’une inductance, d’un condensateur, de résistances et d’une diode. Le dispositif était alimenté par induction (une bobine extérieure alimentée en courant alternatif induisait une tension alternative dans l’inductance, une diode la redressait en tension continue qui alimentait le système). Ce dispositif biodégradable commandé par radio était capable de délivrer de la chaleur de façon calculée. On obtint ainsi une augmentation de température locale de 5 °C. En réglant la densité de la soie, le temps de vie des éléments électroniques a été de 15 jours. Ceci permet, quelques jours après une opération, de stériliser et maintenir en asepsie le site d’ouverture. Après ce temps, le dispositif a disparu, laissant seulement des restes de soie, plus lents à s’éliminer. La tolérance au dispositif s’est avérée excellente. Les vitesses auxquelles se résorbent les différents matériaux pourraient être ajustables en temps réel ou par modification de l’environnement.
La technique exposée permet de réaliser toutes sortes de dispositifs électroniques biodégradables, senseurs, actionneurs et autres qui peuvent avoir un rôle passif ou actif selon les besoins.
Pour en savoir plus :
Materials and fabrication processes for transient and bioresorbable high-performance electronics
Suk-Won Hwang , Dae-Hyeong Kim , Hu Tao , Tae-il Kim , Stanley Kim , Ki Jun Yu, Bruce Panilaitis , Jae-Woong Jeong , Jun-Kyul Song , Fiorenzo G. Omenetto and John. A. Rogers , Adv. Funct. Mater. 2013 DOI: 10.1002/adfm.20130012
A Physically Transient Form of Silicon Electronics,
Suk-Won Hwang, Hu Tao, Dae-Hyeong Kim, Huanyu Cheng,4 Jun-Kyul Song, Elliott Rill, Mark A. Brenckle, Bruce Panilaitis, Sang Min Won, Yun-Soung Kim, Young Min Song, Ki Jun Yu, Abid Ameen, Rui Li, Yewang Su, Miaomiao Yang,David L. Kaplan, Mitchell R. Zakin, Marvin J. Slepian, Yonggang Huang, Fiorenzo G. Omenetto, John A. Rogers,
Science 337, 1640 (2012); DOI: 10.1126/science.1226325