Les peintures anciennes explorées par réflexion infrarouge
Dans la restauration des peintures anciennes, on utilise pour l’imagerie de nombreuses techniques, rayons X, fluorescence UV, etc.. Elles permettent d’établir un diagnostic sur l’état des œuvres et d’obtenir des images précises des surfaces peintes et de leurs couches sous-jacentes. Des chercheurs italiens de Vérone, l’Aquila et Florence proposent une nouvelle méthode, appelée quasi réflectographie infrarouge, qui est d’utilisation aisée et présente de nombreux avantages.
L’utilisation du rayonnement infrarouge dans le domaine de la conservation artistique permet d’effectuer un examen non destructif d’une œuvre sans la déplacer. On distingue la thermographie qui utilise le seul rayonnement émis par un objet à la température ambiante et la réflectographie où l’on analyse le rayonnement réfléchi par l’objet illuminé par une source infrarouge.
Tout corps émet spontanément un rayonnement dont les longueurs d’onde dépendent de sa température. A 20°C, celles-ci sont comprises entre 1mm et 3 micromètres mais leur énergie est principalement concentrée entre 14 et 7 micromètres ( dans l’infrarouge lointain), comme on le voit sur la courbe ci-dessous :
La réflectographie infrarouge conventionnelle consiste à acquérir des images dans la bande de longueurs d’onde dite proche infrarouge (0,75 à 2,5 µm). Elle permet déjà de révéler des détails sous-jacents à la couche de peinture, comme les dessins préparatoires ou les « repentirs »(parties modifiées par l’artiste lui-même au gré de son inspiration).
Pour mieux mettre en évidence les différents matériaux d’une surface peinte, les chercheurs italiens ont choisi de travailler dans le domaine de l’infrarouge moyen(3-5 μm) en se plaçant dans des conditions de réflectivité stricte.
Le choix de cette bande de longueurs d’onde permet de pouvoir travailler en réflectivité en s’affranchissant de l’émission infrarouge du tableau due à la température ambiante. Celle-ci est en effet concentrée dans l’infrarouge lointain.
Cette technique est appelée par ses auteurs quasi réflectographie thermique (abrégée en anglais en TQR).
Elle est d’autre part extrêmement simple à réaliser (Fig.1). Une caméra infrarouge sensible dans l’infrarouge moyen sert à la capture de l’image. Comme on doit enregistrer le rayonnement réfléchi, on utilise comme source lumineuse des lampes halogènes sous-alimentées qui émettent dans la bande choisie et n’entraînent pratiquement pas d’échauffement de la surface.
Le premier usage en a été fait in situ dans la Chapelle de Theodelinda de la cathédrale de Monza, en Italie. Dans celle-ci, actuellement en restauration, se trouve une magnifique fresque du 15e siècle. On peut juger sur la figure 2 de l’intérêt de la nouvelle technique TQR. Les décors en or et argent, grâce à leur fort coefficient de réflexion, sont très bien rendus même dans les régions où, en photographie couleur et en réflectographie en proche infrarouge, ils sont cachés par lés dégradations ou les repeints. Et les restaurations antérieures qui ont caché les décors dorés sont aisément identifiées. De même l’armure est bien mieux révélée dans l’image TQR ( fig 2c ; regarder près de la main droite du soldat du premier plan) que dans les deux autres images.
Pour démontrer toutes les possibilités de cette méthode d’imagerie, on l’a utilisée aux heures d’ouverture normales du Museo Civico de Sansepolcro (Italie) pour analyser « La Résurrection » de Pierro della Francesca, célèbre fresque murale peinte à la tempera. La figure 3 montre un détail de cette fresque.
A gauche, image d’un détail de la fresque précédente obtenue dans le proche infrarouge. A droite, image TQR. A: retouches visibles. B: inhomogénéités sur l’armure. C : diverses techniques d’exécution sur l’épée qui ne sont pas perçues en proche infrarouge. D : différentiation de l’arrière-plan plus nette en TQR. E: coefficient de réflexion différent en proche infrarouge et en TQR. Crédit Optics Express OSA.L’utilisation de la bande de l’infrarouge moyen et d’un éclairage qui laisse le tableau à la température ambiante, (un atout pour sa conservation) entraîne que l’image enregistrée est principalement due à la lumière réfléchie. La technique TQR permet une bonne différentiation des pigments, une cartographie précise des décors d’or et d’argent, une meilleure identification (par rapport au proche infrarouge) des retouches et rajouts et, de façon générale, une meilleure connaissance de la surface des œuvres, où se réfléchit la lumière.
Pour en savoir plus :
Thermal quasi-reflectography: a new imaging tool in art conservation Claudia Daffara, Dario Ambrosini, Luca Pezzati, and Domenica Paoletti. 18 June 2012 / Vol. 20, No. 13 / OPTICS EXPRESS 14746,